Contenu | Rechercher | Menus

Annonce

Si vous avez des soucis pour rester connecté, déconnectez-vous puis reconnectez-vous depuis ce lien en cochant la case
Me connecter automatiquement lors de mes prochaines visites.

À propos de l'équipe du forum.

#526 Le 28/11/2020, à 07:29

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

gazimel a écrit :

Bonsoir
Je viens de lire "Un été avec Machiavel" de Patrick Boucheron. Il s'agit de la transcription d'une chronique sur France Inter. Machiavel revisité à la façon de l'auteur de l’émission "Quand l'histoire fait date" actuellement sur ARTE.
Un Machiavel beaucoup moins machiavélique, plus lucide, soucieux de réalité. Ce n'est pas le seul personnage à s’être fait taillé un costard par des adversaires bienveillants.
A consommer sans modération. cool

Tout à fait. Je pense aussi qu'on a beaucoup caricaturé le personnage et son oeuvre. C'est un peu comme pour Epicure.

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 28/11/2020, à 07:29)

#527 Le 03/12/2020, à 10:12

CM63

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour,

J'ai fini "La malandre" de Henri Troyat. Un peu plat, décevant de la part de cet auteur, dont on attend plus. mais bien écrit.

Je lis "La baie des perles noires" de Konsalik, ça a l'air d'être un polar, mais bon, ceux que j'ai lu de Konsalik m'ont plu.
Également trouvé dans un passe-livre.


Quoi? Quelque chose que je ne connais pas et qui me fait l'affront d'exister?!

Hors ligne

#528 Le 05/12/2020, à 12:01

gazimel

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Je viens de lire La guerre sociale en France de Romaric Godin. C’est l’histoire du néolibéralisme.
L’auteur commence par distinguer les caractéristiques du néolibéralisme et ce qui le distingue des autres libéralismes. En particulier la main mise sur l’état, mis au service du capital, contre le travail.

Puis il nous montre l’élaboration de la doctrine.
p 84
« L’ordre néolibéral ne s’adresse pas directement au travailleur, puisque, intégré dans le processus de formation de l’offre, il n’est qu’un rouage. L’individu néolibéral par essence est le consommateur, à qui on promet, par la libre concurrence et le jeu du marché, le meilleur prix. C’est bien là le sens de la phrase d’Emmanuel Macron citée : permettre au consommateur d’être créateur de valeur. Ce consommateur est séparé du producteur, fût-il en réalité le même individu. Dans la promesse de prix bas (ou plutôt le plus bas possible) que l’on adresse à ce consommateur, on évite soigneusement de préciser les conséquences contenues dans cette « bonne affaire » : la pression sur les coûts de production, donc sur les salaires, l’emploi et le financement de la Sécurité sociale. C’est que tout doit s’équilibrer au final : le consommateur chômeur ou travailleur pauvre trouvera le produit au prix juste pour lui, parce que sa précarité permet de déterminer ces prix. Partout l’offre s’adapte aux désirs – subis ou conscients – du consommateur, parce qu’elle est partout parfaitement valorisée. Dans un monde où le marché est parfait, les intérêts du consommateur sont ceux du producteur. Ce dernier veut séduire le consommateur, par les prix et l’innovation, ce qui satisfait le consommateur. C’est ici l’autre facette « sociale » du néolibéralisme : promettre l’abondance pour tous à bon marché grâce à la concurrence.
Pour que cet équilibre soit possible, il est indispensable que les individus cessent de réfléchir en tant que travailleurs ayant des intérêts communs avec leurs collègues face au patronat. Le rôle du travailleur est de valoriser au mieux son entreprise pour qu’elle soit plus performante. Il doit donc s’identifier à l’intérêt du capital et coller en permanence aux besoins de la production. Toute lutte du travail contre le capital est inutile et néfaste : elle crée des déséquilibres dont souffre le plus grand nombre. Il ne faut pas lutter, il faut « s’adapter ». C’est ici que le mythe de la « mobilité », qui revient sans cesse dans le discours « progressiste », prend son importance : la mobilité, c’est la capacité à « choisir » son travail… en fonction du marché. Vous perdez votre emploi ? Vous êtes victime d’une délocalisation ? Rien finalement de plus grave que si votre barre chocolatée préférée n’est plus en rayon : c’est simplement que votre désir n’est pas en phase avec l’équilibre de marché. Mais d’autres produits et d’autres emplois s’offrent à vous ! Il suffit de « s’adapter » au marché grâce à la « formation ». Le mieux étant même de passer soi-même du côté du capital en devenant (auto)entrepreneur et en créant son entreprise.
 »

On le voit, la mobilité/précarité est le moteur du système.
Bienvenue au pays enchanté du progressisme néolibéral.

Hors ligne

#529 Le 08/12/2020, à 09:00

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

« Rouge vif/ L’idéal communiste chinois » (Alice Ekman)

Ce que j’ai appris à la lecture de ce bouquin pas facile à lire mais intéressant car l’auteur a manifestement travaillé son sujet et « inflitré » IRL le sujet à connaître durant de longues années :

- Même si le système économico-politique de la Chine demeure hybride et assez inclassable, les fondements idéologiques de la Chine demeurent plus que jamais marxistes-léninistes. L’auteur nous en donne des dizaines d’exemples tirés de nombreux discours du dirigeant actuel Xi Jinping mais tirés aussi dans les pratiques actuelles du régime (exemple : le recours systématique à l’auto-critique pour les cadres du Parti). Par ailleurs, le PCC dit avoir clairement étudié les raisons de la faillite du système communiste soviétique pour ne pas tomber dans les mêmes travers et commettre les mêmes erreurs.

- La foi marxiste est incompatible avec la pratique d’une religion. Oui mais : paradoxalement, elle doit quand même s’incarner dans la foi aveugle en un leader (Xi Jinping) dont les discours et les pensées doivent imprégner les cadres du Parti. Ces discours, ces écrits, ces pensées deviennent des modèles que les cadres du Parti doivent connaître et appliquer à la lettre. Cela se voit moins depuis l’Occident mais il semblerait qu’avec Xi Jinping on ne soit plus très loin du fameux modèle « Mao ».

- Le rôle du PCC s’est clairement renforcé dans l’économie. Même si il est possible d’entreprendre en Chine, chaque entreprise doit entretenir un lien fort avec le Parti et l’État. Par ailleurs les entreprises d’état considérées comme stratégiques (défense, électricité, pétrole et gaz, communications, aéronautique, rail etc ) représentent 90 % des revenus. Quant aux entreprises étrangères, elles ont intérêt à établir des bureaux à Pékin si elles veulent avoir accès aux informations officielles émanant du Parti, informations indispensables pour pouvoir poursuivre leurs activités

- Le projet final de la Chine n’est pas capitaliste. Le capitalisme actuel auquel elle recourt n’est qu’un moyen pour atteindre un communisme à la chinoise. Le Parti a clairement établi que le capitalisme ne serait  pas viable sur le long terme. Donc, de la même manière que certains dirigeants politiques utilisent les droits de l’homme et la démocratie comme un autobus duquel ils descendent quand ils sont arrivés où ils voulaient en arriver pour passer ensuite à un but final moins avouable (comme Erdogan en Turquie, comme Khomeini qui avait bénéficié du droit d’asile en France) et bien la Chine entend elle aussi utiliser le capitalisme pour atteindre et incarner au bout du bout un idéal communiste d’obédience marxiste-léniniste « à la chinoise » et le répandre sur le monde.

- Les temps où la Chine manquait de confiance en elle-même sont clairement révolus. Le Parti et ses dirigeants sont désormais conscients et assurés de la supériorité de leur modèle sur l’Occident qu’ils estiment en déclin complet. L’horizon 2050 est fixé pour atteindre complètement ce but et confirmer la position définitive de la Chine en tant que leader mondial. Pas seulement sur le plan économique mais aussi en terme de modèle à suivre en terme de contrôle des sociétés :  il n’est que voir tous les moyens numériques de contrôles sophistiqués des sociétés que la Chine exporte dans le monde entier (détection et enregistrement des visages dans les grands centres urbains mondiaux etc etc)

- D’énormes moyens politiques, diplomatiques, économiques et sociaux sont déployés pour étendre l’influence de la Chine, d’abord dans les pays en développement mais aussi dans les pays déjà développés. Cela va de la formation de nouveaux diplomates africains à l’installation de nouvelles infrastructures (routes, rails, ponts, hôpitaux etc ) dans le cadre des fameuses « Routes de la Soie » : ainsi, la Chine élargit le cercle des « pays amis » qui voteront pour elle dans les grandes instances internationales (comme l’ONU) où elle entend jouer un rôle majeur en inversant les valeurs traditionnelles défendues par les « vieux alliés » occidentaux (Droit de l’Homme etc..) Cela ne signifiant pas que la Chine ne défende pas ces valeurs elle-même mais qu’elle entend les défendre « à sa façon », selon ses propres informations, ses propres sources et sa "façon propre" de voir et d'interpréter les choses (la Chine considérant que tout ce qui provient d’Occident ne consistant qu’en une propagande contre elle)

- Chose très importante pour terminer : ce sont des partenariats (beaucoup plus flexibles) et non des systèmes d’alliances multilatérales (beaucoup plus contraignants et qui volent d’ailleurs en éclat en ce moment comme l’Otan ou le Brexit) que la Chine entend développer avec ses « pays amis ».

Pays amis auxquels elle ne manque pas de rappeler que – contrairement à ceux qui les ont colonisés et humiliés – elle, n’a strictement rien à se reprocher à leur égard en prétendant ne leur proposer que des partenariats « gagnants/gagnants »

Voilà, voilà.

En refermant ce bouquin, il me paraît clair qu’un nouveau monde est en train de naître, que l’on n’y pourra plus grand-chose et que la Chine dominera le monde sur tous les plans d’ici une trentaine d’années.

Oui mais (et là c’est moi qui parle) :  en finissant par devenir elle-même ce qu’elle aura reproché à tant d’autres  pour y parvenir : un nouveau colonisateur mondial totalitaire.

Je ne serai probablement plus de ce monde alors et ce sera tant mieux.

Par contre, pour nos enfants et nos petits-enfants, ce ne sera plus un monde « en rose » qu’ils vivront alors mais plutôt un monde « rouge vif » comme dit si bien le titre de l’ouvrage… hmm

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 08/12/2020, à 09:04)

#530 Le 09/12/2020, à 08:02

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Steve Jobs

Résumé
Cet ouvrage résulte d'un travail de plus de deux ans, basé sur les interviews des proches, des rivaux, des collègues, mais aussi sur les entretiens avec le cofondateur de la firme Apple, Steve Jobs. Celui-ci, atteint d'un cancer, se livre sur sa carrière que certains qualifient d'exemplaire, ainsi que sur son passé.

Quatrième de couverture
À partir d'une quarantaine d'interviews exclusives et de multiples rencontres avec sa famille, ses proches, ses collaborateurs, ses amis comme ses adversaires, Walter Isaacson a reconstitué d'une façon magistrale et passionnée la vie, l'oeuvre et la pensée d'un des plus grands innovateurs et visionnaires de notre époque.

Mon avis : C’est une véritable odyssée qui nous est rapportée dans cet ouvrage de plus de 600 pages dans un style à la fois simple, dense et très efficace avec une multitude de détails donnant l’impression que chaque fait, chaque parole, chaque attitude, chaque prise de décision se déroulerait en direct sous nos yeux. Odyssée du fondateur d’Apple, d’abord jeune hippie végétarien passionné d’informatique bricolant dans le garage de ses parents avec son compère Stephen Wozniak, devenant ensuite progressivement le P-DG d’une des plus grandes entreprises numériques de la Silicon Valley avec des fortunes très diverses (puisque son caractère impossible l’amène à être licencié un certain temps de sa propre entreprise par son associé John Sculley et le Conseil d’Administration d’Apple. Mais il rebondira en empruntant un autre parcours – entreprises Next et Pixar – avant de revenir finalement chez Apple!)...

Tout m’a passionné dans cette biographie, à savoir notamment :

- ce qui concerne le domaine de l’informatique avec les choix propres du fondateur d’Apple : mettre au point un produit fermé qui associait le matériel et le système d’exploitation devant permettre à l’utilisateur un usage fluide et intuitif. Choix s’opposant à 100 % à celui de Microsoft qui proposait, lui, un système d’exploitation « Windows » ouvert dissociant le système d’exploitation pouvant être incorporé dans n’importe quel type de matériel (Dell, Hewlett-Picard, Asus etc.) C’est d’ailleurs ce deuxième choix qui a prévalu puisque 90 % des utilisateurs de PC ont adopté Windows.

- le côté visionnaire de Steve Jobs ayant compris qu’un produit séduit l’usager par ses performances et la simplicité de son utilisation certes, mais aussi par son apparence : nous sommes en plein de ce que Marx qualifiait, je crois, de « fétichisation du produit ». La philosophie de Steve Jobs consistait en fait à associer la technologie de pointe à l’art. Et il souhaitait tout contrôler : de la conception du produit, en passant par le choix de ses composants, leur ajustement jusqu’au packaging qui doit créer la surprise et l’émerveillement. Utilisateur d’Apple, je peux en témoigner quand j’ai reçu mon Mac Mini, c’était un pur bonheur de d’ouvrir le colis et de découvrir un joyau reposant dans un écrin de raffinement et d’élégance !

- la description du caractère entier, quasiment totalitaire et odieux (mais fascinant aussi, quelque part) de Steve Jobs, manquant totalement d’empathie à l’égard de ses collaborateurs, cadres ingénieurs, designers, capables de passer à « ce que tu m’amènes là est nul ! » à, un ou deux jours plus tard,  « oui c’est génial  et c’est mon idée. » ! L’auteur ne manque pas de le questionner par rapport à cela et Jobs répond qu’il ne cherchait pas à humilier expressément ses pairs mais que cela s’expliquait par son tempérament passionné : il cherchait ainsi à motiver ses troupes et à les amener à dépasser sans cesse leurs limites. Et il faut croire, au bout du bout, que « ça marchait », même si ce genre de politique et de comportement aura pu « laisser sur le carreau » des centaines d’ingénieurs, de designers et de commerciaux.  Le fondateur d’Apple n’a pas hésité non plus à  licencier des milliers de salariés à chaque fois que son entreprise traversait une mauvaise passe.

J’ai terminé cet ouvrage avec la tristesse que l’on peut éprouver en arrivant au terme d’un bon livre lu avec plaisir et intérêt sur plusieurs semaines. Un bon livre qui s’achève aussi par le déclin physique (mais jamais moral) du personnage, atteint d’un cancer du pancréas qui l’emportera.

Sachant que la maladie gagnerait à la fin, Steve Jobs était quand même fier de partir en laissant derrière lui une entreprise qui lui survivrait. Et c’est un fait : Apple vit toujours et sort toujours de nouveaux produits de haute technologie (efficaces, élégants et … chers, très chers!).

Apple est à présent dirigé par celui à qui Steve Jobs avait confié les rênes avant de nous quitter : Tim Cook.

---------

Disons que c'est mon intérêt pour tout ce qui touche à l'histoire du monde informatique qui a fait que j'ai pu lire cet ouvrage de plus de 600 pages sans jamais zapper. Mais pas que : il y a de belles choses humaines qui sont narrées aussi, comme les relations amoureuses de Steve Jobs avec les deux femmes qu'il a aimées (dont une qu'il a épousée et une autre qu'il n'a jamais oubliée et qui l'a profondément marqué, une belle, une très très belle personne dont il a gardé un courriel magnifique qu'il laisse publier, un courriel qui m'a bouleversé : je ne résiste pas à la tentation de poster ce passage ici)

Le courriel de Tina Redse adressé à Steve Jobs 25 ans plus tard.

Lorsque Jobs avait été chassé d’Apple en 1985, Tina Redse voyagea avec lui en Europe, le temps qu’il panse ses plaies. Sur un pont enjambant la Seine, un soir, ils caressèrent l’idée de rester en France, de s’y installer peut-être définitivement. Tina était sérieuse, mais pas Jobs. L’ambition le consumait encore. « Ce sont mes actes qui font ce que je suis », déclara-t-il à la jeune femme. Elle évoqua ce moment à Paris dans un e-mail poignant qu’elle lui envoya vingt-cinq ans plus tard. Ils avaient repris chacun le fil de leur vie mais ils avaient gardé leur lien spirituel.

Nous étions sur ce pont à Paris, durant l’été 1985.Le temps était nuageux. On était accoudés au parapet, fait de cette pierre si douce au toucher, et nous regardions l’eau verte couler sous nos pieds. Ton monde s’était fracturé et arrêté de tourner, en attendant qu’avec un nouveau projet tu remettes tout en branle. Je ne voulais pas revivre ça. J’ai tenté de te convaincre de commencer une nouvelle vie ici, à Paris, avec moi, de nous construire un nid, un havre qui nous aurait rassemblés et nous aurait laissé une chance d’être traversés par d’autres ondes. Je voulais nous extirper du chaos noir de ton monde brisé, nous faire émerger à la lumière, anonymes et purs, et vivre une vie pleine et entière où j’aurais cuisiné pour toi, où nous aurions été ensemble tout le temps, comme deux enfants  jouant pour le simple plaisir du jeu, dans l’innocence, sans calcul. J’aurais aimé que tu réfléchisses à cette option avant de rire et de me répliquer : « Qu’est-ce que je ferais ? Je suis devenu intouchable ! » Voilà quel était mon souhait le plus ardent, à cet instant où le cours de nos vies hésitait, durant ce moment de flottement miraculeux, avant que le temps nous reprenne dans son flot – vivre ensemble cette vie simple jusqu’à nos vieux jours, avec une ribambelle de petits-enfants autour de nous, dans une bastide au sud de la France, une existence paisible, douce et bonne comme du bon pain, baignée du parfum de la patience et de la complicité.
  (Pages 309/310)

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 09/12/2020, à 08:29)

#531 Le 10/12/2020, à 19:07

Pascaltech

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

CM63 a écrit :

Bonjour,

J'ai fini "La malandre" de Henri Troyat. Un peu plat, décevant de la part de cet auteur, dont on attend plus. mais bien écrit.

Je lis "La baie des perles noires" de Konsalik, ça a l'air d'être un polar, mais bon, ceux que j'ai lu de Konsalik m'ont plu.
Également trouvé dans un passe-livre.

Bonsoir,

Oui Konsalik, si je me souviens bien, c'est assez froid, très réaliste. Dans les SAS, il y a toujours du sexe, ça détend !


Emachine el1200, Xubuntu 20.04 LTS
Traductions guides serveur & grub et liens utiles Classement CG
inxi -F sudo lshw dpkg -l

Hors ligne

#532 Le 11/12/2020, à 04:55

gazimel

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

les fondements idéologiques de la Chine demeurent plus que jamais marxistes-léninistes.

Je suis plus réservé à ce sujet. J'y vois plutôt une forte conscience de la nation chinoise.
Laquelle s'appuie sur un ppcd, ou brique de base: la hantise du retour des royaumes combattants. Le désordre, c'est le pluriel de l'ordre. Lorsque le serf crie : le roi est mort, vive le (nouveau) roi, il dit surtout sa peur de voir une guerre de succession ravager le pays, brûler les récoltes, massacrer les populations. Paysans de tous les pays...
Et puis il y a les hordes nomades toujours à l’affût d'une défaillance. Partout et toujours, l'union fait la force.

La foi marxiste est incompatible avec la pratique d’une religion.

La foi du militant est toujours exclusive. On a eu de grands moments d’affrontement entre USA et URSS, chacun dénonçant avec courage et  vigueur les atrocités commises par l'autre et se taisant pudiquement sur ses propres "menues erreurs".
On retrouve la mécanique religieuse monothéiste. La conviction des "fidèles militants" excluant les autres, et pas seulement pour les "communistes", les néolibéraux sont pas mal dans leur genre.
En interdisant la pluralité, le parti communiste est parfait pour un dictateur. Parfaitement organisé, il est disponible, pourquoi s'en priver. Est il marxiste, dans la lutte contre les inégalités ? Les "messieurs gros sous" semblent l'infirmer. L’état chinois gardera probablement le contrôle des investissements, ça n'en fera pas un pays marxiste pour autant, mais sûrement un pays conscient de ses intérêts nationaux. Ce n'est malheureusement pas le cas de notre pays ouvert aux 4 vents de la finance internationale.

Si je le trouve, je lirai le bouquin de Alice Ekman. Il y a toujours des choses à apprendre chez les auteurs dont on n'approuve pas toutes les idées. C'est le cas avec Domenach, béat d'admiration devant le néolibéralisme, mais très bien documenté sur la Chine. smile

Hors ligne

#533 Le 11/12/2020, à 06:32

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour,

Alice Ekman ne présente pas "ses idées", son livre n'est pas un livre militant "pour ou contre" le régime politique, économique et culturel chinois.

Elle établit simplement des constats sérieusement fondés et documentés. Les notes de bas de page avec sources fourmillent ! Ce qui ne rend pas la lecture aisée, d'ailleurs... Mais on ne peut pas lui retirer le sérieux et la recherche d'objectivité de sa démarche.

Ceci dit, j'ai trouvé son ouvrage critiquable sur certains points :

- elle compose une introduction beaucoup trop longue et "à tiroirs" à la fin de laquelle elle nous dit -maladroitement à mon avis - que si l'on est pressé on peut considérer qu'elle y aura développé l'essentiel et qu'il n'est alors plus nécessaire qu'on lise la suite !

- j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de répétitions dans son livre ce qui donnait parfois  l'impression de tourner en rond et qu'on n'avançait pas.

- un point m'intéressait quand elle affirmait que le PCC n'entendait surtout pas commettre les mêmes erreurs que le PC soviétique : j'aurais aimé savoir de quelles erreurs elle voulait parler. Je vais peut-être lui demander par mail parce qu'elle donne une adresse mail où on peut la contacter et faire des remarques ou poser des questions.

Donc, à mon avis, un bouquin critiquable sur la forme - en tout cas sur sur certains points -ce qui le rend pas très agréable à lire non plus, mais qui demeure essentiel sur le fond.

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 11/12/2020, à 06:52)

#534 Le 11/12/2020, à 12:16

gazimel

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Pas question pour moi de mettre en doute le sérieux de l'auteur.
Pour la longueur de l'introduction, peut-être connaît elle trop bien le comportement des lecteurs toujours à la recherche d"une synthèse plus reposante et laissant le reste aux spécialistes.
Il m’arrive de commencer un livre par la conclusion, poursuivre par l'introduction puis les chapitres les plus à même de répondre à ma curiosité.
Pour les répétitions, cela affecte surtout les auteurs Anglo-saxons, mais a contaminé certains Français. Il faut s'en accommoder.
Pour les autocritiques, cela permet de sélectionner les problèmes pour lesquels on a une solution, les autres critiques étant des attaques contre le parti et celui ci étant l'incarnation du pays... Ce procédé n'est pas réserve à la Chine. Ailleurs la presse, largement privatisée, joue le role du parti et attend d'avoir les remèdes du grand timonier pour aborder les difficultés. Le traitement du covid par les médias est éloquent. neutral

Hors ligne

#535 Le 25/12/2020, à 15:52

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Je termine "Une vérité à deux visages" de Michael Connelly. Un bon polar.

Et je commence un nouveau Connelly : "Mariachi Plaza".

J'aime l'univers de L.A décrit par Connelly : on s'y croirait.

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 25/12/2020, à 15:53)

#536 Le 30/12/2020, à 12:22

CM63

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour,

J'ai fini de lire "la baie des perles noires" de Kansalik, finalement c'était pas mal, un bon polar. Ma critique ici.
Sinon, j'arrive au bout des Frères Karamasov, j'en suis au prologue, il a été jugé coupable, le jeune frère missionnaire supervise l'évasion en donnant de la vodka aux fonctionnaires.

Dernière modification par CM63 (Le 19/07/2022, à 17:57)


Quoi? Quelque chose que je ne connais pas et qui me fait l'affront d'exister?!

Hors ligne

#537 Le 16/01/2021, à 19:47

CM63

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

J'ai lu "le front dans les nuages" de Henri Troyat, toujours trouvé dans un passe-livres. Un peu plus intéressant que le précédent Troyat, genre roman psychologique, assez court.


Quoi? Quelque chose que je ne connais pas et qui me fait l'affront d'exister?!

Hors ligne

#538 Le 23/01/2021, à 05:43

gazimel

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

J’ai pu me procurer le livre de Alice Ekman. Clair, à la portée du lecteur très moyen, il abonde en informations actualisées. Dommage, il reste cantonné dans la politique. l’auteure nous prévient p 232 « La Chine promeut-elle réellement un système socialiste dans le monde ? Tout dépend de la manière dont « socialisme » est défini, et ce débat demanderait une discussion théorique approfondie, qui n’est pas l’objet de ce livre. » Je reste donc sur ma réserve à propos du caractère communiste ou même socialiste du pouvoir chinois.
Malgré ce manque, à lire pour mieux comprendre l’empire du milieu.

Dernière modification par gazimel (Le 23/01/2021, à 05:44)

Hors ligne

#539 Le 23/01/2021, à 08:59

CM63

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour,

En ces temps de pandémie, je vous recommande "la peste écarlate" de Jacques London (domaine public, y compris la traduction française).

A part cela, je suis en train de relire, ou plutôt de réécouter, "Les Frères Karamazov" de Fiodor Dostoïevski, dans une autre version, également audio, car la précédente version que j'ai écoutée avait été qualifiée par le traducteur lui-même de "adaptée", en fait il manque des chapitres entiers, je m'en suis rendu compte en lisant la page de Wikipedia consacrée à ce roman. Cette seconde version que j'écoute, lue par une femme, cette fois-ci, serait intégrale.

Dernière modification par CM63 (Le 23/01/2021, à 09:06)


Quoi? Quelque chose que je ne connais pas et qui me fait l'affront d'exister?!

Hors ligne

#540 Le 02/02/2021, à 08:13

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour les lecteurs ! wink

« Mais qu’est-ce que tu branles ? J’en peux plus d’attendre mon sandwich, déjà la dernière fois celui que tu m’avais apporté était arrivé froid et c’était immangeable et là tu m’fais encore patienter fils de pute, moi, tu m’fais patienter ? »

L’homme, fou d’impatience et de colère sortit alors son arme de poing et fit feu sur Fares ben Yahiaten, 28 ans, originaire de Djerba (Tunisie), serveur au Mistral, un restaurant pizzeria-kebab de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). C’était le 16 août 2019.

Simple fait divers ? Certainement pas. Plutôt le symptôme bien plus général et inquiétant d’un mal de l’époque : celui de l’ère de l’individu tyran et de la fin d’un monde commun.

Qu’est-ce qui peut expliquer qu’on ait pu en arriver là ?

D’abord tout cet attirail numérique qui donne à chacun l’illusion d’une puissance illimitée parce qu’il semble répondre - d’un seul clic de souris ou d’un simple glissement de pouce - à toutes nos attentes, à tous nos désirs, en occupant en plus une grande partie de notre temps disponible.

Nous n’avons pas suffisamment de recul avec l’outil mais nous ne mesurons pas à quel point le smartphone – cet incroyable petit couteau suisse - aura littéralement révolutionné nos vies, nos modes de vie, nos comportements, nos tics et nos tocs. Au point de prendre en otage même nos cerveaux et nos neurones !

Ensuite, il y a les nouveaux univers auxquels ce nouvel outil individuel nous permet d’avoir accès grâce au miracle Internet : des univers illimités de connaissances certes, mais aussi ceux des réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter etc etc) où chacun peut s’exprimer librement en surexposant à la puissance mille ses propres subjectivités. Des réseaux sociaux se renouvelant sans cesse au point de vite ringardiser celui qui précède : pour les ados de 2021, « Facebook » c’est le Moyen-Âge réservé aux « vieux ». Aujourd’hui, pour eux, c’est « Tik-Tok ». Demain, ce sera quoi ?

Et probablement jamais auparavant, l’humanité n’aura eu la possibilité d’hystériser à ce point à une échelle mondiale et en un temps record ces cultes de l’expressivité du « moi je, moi je, moi je... »

Mais c’est là qu’intervient un paradoxe intenable et insupportable : probablement jamais auparavant aussi, l’humanité toute entière occupée à cette hystérisation et cette idéalisation du « moi je » n’aura pu être confrontée à autant de frustrations et de graves désillusions par rapport aux réalités sociales et économiques vécues dans la vraie vie. Réalités sociales et économiques d’une société néo-libérale inhumaine, féroce et basée sur la compétition entre les uns et les autres.

D’où un sentiment de colère furieuse, de rage froide et de volonté de vengeance impitoyable d’individus-rois numérisés paradoxalement libérés du côté d’un monde virtuel mais totalement frustrés de l’autre, refoulés et transformés en esclaves du côté IRL !

Et alors là, ce qui s’exprime ce n’est pas une colère organisée en vraie révolution, en projet collectif sur le moyen ou le long terme mais une somme de colères multiples, désorganisées et  soudaines d’individus livrés à eux-mêmes et animés par des rages nihilistes n’étant à la fois que leurs propres moyens et leurs propres buts.

Et même lorsque ces frustrations coagulent en mouvement sociaux momentanément collectifs (comme celui des Gilets jaunes ou des Black Bloc), il n’existe pas de vrai projet organisé d’après la révolte.

Avec une constante dans tout cela : la remise en question et la contestation systématique de toute forme d’autorité pyramidale qui a perdu tout crédit aux yeux de ces mouvements.

Au bout de quoi on en arrive à une société politiquement ingouvernable où plus rien ne semble possible pour les responsables cherchant à réunir de vraies majorités de projets, où plus rien ne semble possible pour satisfaire ces millions de monades divisées en subjectivités… totalitaires !

« La tyrannie, disait Tocqueville, peut tout autant être le fait de la majorité. Probablement le vérifions-nous aujourd’hui. Mais une majorité qui, de nos jours, est atomisée, n’existant pas en tant qu’ensemble constitué, mais comme un foisonnement d’existences manifestant une distance méfiante ou belliqueuse tant à l’égard de la parole politique, qu’à l’égard d’autrui. Et dont le Covid-19 – du fait du risque de contamination entre personnes et des conséquences économiques induites -  ne fera qu’aggraver la portée. Ce serait cela le totalitarisme de la multitude : accorder l’unique priorité à ses vues dans la mesure où l’on se considère avant tout comme une victime ne pouvant plus compter sur la société et qu’à ce titre, on entend de soi-même s’attribuer de soi-même certains droits tenus pour légitimes. Au sein de cet environnement, tout peut advenir : des abus, menaces, spoliations, gestes de violence, faisant peu à peu régner un climat de terreur.

Non la Terreur de 1793 où, en France, des groupes éliminèrent des factions identifiées comme ennemies car politiquement menaçantes. Mais une terreur émanant des individus qui, sur un geste impulsif ou dès lors qu’ils l’estiment opportun, imposent leur ordre. Un tel environnement porte une fort « potentiel fasciste » pour reprendre l’expression d’Adorno, c’est-à-dire un « niveau élevé de disponibilité au fascisme ». Mais un fascisme de nature inédite, non par un parti autoritaire, mais par un état d’esprit diffus propageant l’idée selon laquelle ce n’est pas la loi en vigueur qui doit prévaloir, mais celle de ceux qui se sentent les plus bafoués et ce, aux dépens de normes politico-juridiques et économiques jugés iniques. (…) Telle la scène proprement hallucinante où l’on voit le chauffeur routier Éric Drouet déclarer en direct le 6 décembre 2018 sur BFMTV, vouloir, de sa seule initiative, investir le lendemain l’Élysée en compagnie d’un certain nombre de ses acolytes. Signe patent qu’aucun projet collectif n’est à l’œuvre, que seuls parlent le déchaînement et un sentiment de toute-puissance, émanant de personnes usant de plateformes, se filmant, échangeant, jusqu’à arriver à occuper l’espace public et être invitées par les chaînes de télévision pour finir poar soutenir de tels propos sans crainte ni gêne, à savoir le dessein – estimé légitime – de renverser à quelques uns un président de la République, presque avec l’aisance et la rapidité d’un clic de souris. »

L’auteur parle un peu plus loin de fascisme individuel atomisé dans le cadre d’une société de la fureur de tous contre tous.

« Va te faire foutre connard. Je vais t’casser la gueule et je te rentre dedans dans ta voiture moi… avec mon vélo. » Me hurle le cycliste qui brûle un feu rouge sans même ralentir. Et mon freinage a fonctionné grâce au détecteur d’obstacles de ma voiture, sinon le pire serait arrivé, et qui sait ? J’aurais ensuite continué ma route comme si de rien n’était... » (post relevé par l’auteur sur Facebook le 7/1/2020)

« L’ère de l’individu tyran/ La fin d’un monde commun » d’Éric Sadin, un bouquin essentiel.

Éric Sadin, auteur également d’autres ouvrages qui paraissent très intéressants comme :

- Surveillance globale : Enquête sur les nouvelles formes de contrôle, Flammarion, coll. « climats », 2009
- L'Humanité augmentée : L'administration numérique du monde, L'échappée, coll. « Pour en finir avec », 2013
- La Vie algorithmique : Critique de la raison numérique, L'échappée, coll. « Pour en finir avec », février 2015
- La Silicolonisation du monde : L’irrésistible expansion du libéralisme numérique, L'échappée, coll. « Pour en finir avec », 2016

Je ne connaissais pas cet auteur que j’ai découvert grâce à cet ouvrage. Mais en tapant son nom je vois qu’on trouve pas mal de vidéos à son sujet avec des interviews dont celle-ci que j’ai pas encore visionnée d’autant plus qu’elle est très, très, très longue ! tongue

https://www.youtube.com/watch?v=suHXQfpBTxM

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 02/02/2021, à 08:16)

#541 Le 12/02/2021, à 09:44

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

« C’est aujourd’hui ?, s’enquit-il. « Oui, c’est aujourd’hui », répondit le gouverneur.

Sorge portait un pantalon noir, une chemise échancrée et une veste assez lâche. Il semblait calme et maître de lui. Quand on lui demanda quoi faire de ses biens, il répondit qu’il souhaitait tout laisser à Anna Clausen, sans doute pour éviter à Hanako d’autres démêlés avec la justice. Il laissa son Leica et ses dictionnaires à ses bourreaux et demanda qu’on s’occupe d’envoyer des lettres qu’il avait préparées à sa mère et à sa sœur, par le biais de l’ambassade d’Allemagne.

Il refusa poliment le thé et les gâteaux que lui proposait l’aumônier, mais demanda une cigarette. Le gouverneur refusa : c’était contraire au règlement. Yuda Tamon, témoin officiel de la Tokko pour cette exécution, réagit de manière impulsive : « Allons, donnez-lui donc une cigarette ! Je sais bien que c’est contraire au règlement, mais c’est sa dernière volonté. Vous pouvez dire que vous l’avez laissé prendre un médicament à la dernière minute. » Le gouverneur persista dans son refus et on amena Sorge jusqu’à la trappe.

Au moment où on lui attachait bras et jambes et où on lui passait la corde autour du cou, il s’exprima d’une voix forte, en japonais : « Sakigun… (l’Armée rouge) ! Kokusaï kyosanto… (L’Internationale communiste) ! Soviet kyosanto... (le Parti communiste soviétique) ! »

Puis le sol s’ouvrit sous ses pieds et ce fut le noir. Le gouverneur Ichijima dira qu’il « n’avait jamais vu quelqu’un se comporter avec autant de noblesse que Sorge à l’heure de la mort. »

« C’est le plus grand homme qu’il m’ait été donné de rencontrer » dira de lui le procureur Yoshikawa qui fut chargé de l’interroger après son arrestation et de recueillir ses aveux.

Ainsi se termina l’existence d’un des plus grands espions du XX° siècle fidèle jusqu’au bout à son idéal communiste alors qu’il fut abandonné et ignoré par Moscou qui aurait pu lui sauver la mise pour les mille services éminemment précieux rendus à « la Cause ».

Richard Sorge ce fut la création et la direction d’un réseau d’espionnage hors du commun dans le Tokyo d’avant-guerre. Dans un environnement hostile et suspicieux. Au cœur même de l’ennemi nazi et nippon. Et ce, à  partir même de l’ambassade d’Allemagne nazie à Tokyo où son meilleur ami et confident, l’ambassadeur Eugen Ott - qui s’entretenait régulièrement avec Hitler - fut, sans le savoir, à la fois son employeur et son informateur !

Grâce à son charisme irrésistible, grâce à son talent d’acteur, grâce à son immense culture et son talent de journaliste, grâce à son tempérament extraverti, son sens de l’amitié et à son assurance confinant souvent à de l’arrogance mais grâce aussi à  une chance insolente qui ne lui fera pas défaut pendant des années – Sorge fut à proximité immédiate des plus hautes sphères du pouvoir, en Allemagne, au Japon et en Union soviétique.

Les renseignements militaires tactiques et stratégiques, politiques, économiques et sociaux de très haut niveau qu’il recueillit et adressa pendant des années à Moscou dans le plus grand secret furent des pépites pour Moscou et Staline. Ou plutôt : auraient dû être des pépites.

Parce que Staline les exploita le plus souvent très mal soupçonnant Sorge d’être un agent double travaillant à la fois pour Moscou et Berlin.

Mais même si tout semblait l’accuser, Sorge ne fut jamais un agent double : les informations qu’il fournissait à l’ambassade allemande de Tokyo – sur la société et l’économie japonaises – étaient certes utiles pour les nazis, mais lui permettaient surtout d’entretenir sa « couverture » de journaliste auprès de l’ambassade allemande sans présenter de véritables intérêts militaires et stratégiques pour Berlin.

Par contre, tout ce qui relevait réellement de la stratégie pure et des informations sensibles (comme la position des troupes japonaises, les sites de défense, les itinéraires de convois d’armes etc etc.) était strictement réservé à Moscou.

Mais Staline, en paranoïaque absolu qu’il était, se méfiait de tout et de tous ! On aurait pu dire de lui qu’il se serait même méfié de son ombre ! Il fit arrêter, torturer et exécuter dans le cadre de purges invraisemblables en 1937 ses meilleurs et plus fidèles généraux, mais aussi ses plus grands responsables et agents de renseignements expatriés à l’étranger qu’il soupçonnait de se laisser corrompre par des modes de vies non communistes.

Sorge - à qui fut donné l’ordre de rentrer un moment à Moscou -  refusa, pressentant quelque chose de louche parce qu’il était au courant de ces purges de 37 : ceci lui sauva alors la vie, sinon il aurait fini comme les autres. Victime de la folie de son maître.

Staline – malgré la pression de son entourage - refusa jusqu’au dernier moment de prendre en considération tous les messages secrets de Sorge lui annonçant l’ invasion imminente de la Russie soviétique par son allié Hitler (opération Barbarossa en 41)

Il consultait ces messages et les annotait de remarques méprisantes voire même insultantes pour leur auteur le traitant de « fils de pute ».

Il faut dire que la personnalité de Sorge – vue de loin en tout cas– pouvait les susciter.

Sorge fut un buveur invétéré, un homme à femmes - mais plus fidèle à certaines qu’on pourrait le croire : ainsi sa maîtresse japonaise à Tokyo (Hanako) que – grand prince -  il fit tout pour préserver de la police et de la justice nipponne après son arrestation - a pu décrire dans des mémoires publiées après la guerre l’homme attachant qu’il fut et auquel elle fut fidèle jusqu’en 2000, au moment de sa mort à l’âge de 89 ans, désirant être enterrée près de lui au cimetière de Tama à Tokyo.

Sorge ce fut aussi un courage physique hors du commun (blessé grièvement deux fois durant la Première Guerre mondiale qu’il effectua en tant que patriote allemand dans les troupes allemandes) .

Sorge, ce fut aussi une intrépidité exceptionnelle, des sorties folles la nuit dans les rues de Shangai et de Tokyo en moto ou au volant de sa vieille Datsun, qui rendaient dingues ses passagères du moment, totalement séduites par son charisme et son charme irrésistibles.

La police japonaise qui le traquait discrètement sans cesse estima à une trentaine ses conquêtes,  rien qu’à Tokyo, rien que dans une période de huit ans !

Les maris trompés le savaient parfois mais admettaient alors le plus souvent qu’ils n’y pouvaient rien. Parce qu’eux aussi le trouvaient irrésistible, ce diable d’homme qui avait su conquérir leur amitié dans des complicités alors toutes masculines ! Ce qui fut le cas d’Eugen Ott, l’ambassadeur d’Allemagne à Tokyo dont l’épouse fut un moment la maîtresse de Richard Sorge.

Il y avait aussi ces soirées débridées dans des bars louches ou dans les salons huppés des grands hôtels internationaux de Tokyo où il entraînait ses relations ennemies jusqu’à l’aube pour les pousser à « se lâcher » et à lui fournir de précieuses informations dans de grands moments d’ébriété partagée.

Mais il y avait aussi pour lui cette solitude terrible dont il reconnaissait souffrir parfois, comme dans ces rares moments de confidence auprès de sa maîtresse japonaise Hanako.  Il disait alors avoir le sentiment de n’avoir aucun véritable ami sur Terre et d’être le dépositaire de « trop de choses ».

Ce qu’il ne disait pas : de « trop de choses » expédiées vers une source lointaine et ingrate ne reconnaissant pas son talent d’espion, tout cela au cœur d’une période tragique de l’Histoire dans laquelle il savait bien qu’il devait toujours cacher qui il était et pour qui il travaillait au juste.

C’est pourquoi, quand - après des années patientes de quêtes et d’enquêtes minutieuses sur son compte -  la police japonaise finit par reconstituer le puzzle et qu’il fut enfin arrêté, quand il comprit enfin que tout était fini pour lui, que le masque devait tomber parce que les preuves accumulées étaient telles qu’il ne pourrait plus continuer de mentir, alors ce fut comme une délivrance et un relâchement total pour lui.

«Il se leva d’un bond, se dressa de toute sa hauteur, jeta son manteau par terre et se mit à arpenter de long en large, les mains dans les poches, la cellule exiguë. Oui je suis communiste, et oui, je suis un espion. Et je suis vaincu ! Je ne l’ai jamais été depuis que je suis communiste, mais maintenant me voilà battu par la police japonaise. »

Tous ces propos sont rigoureusement sourcés par l’auteur dans environ 70 pages de notes de références à la fin de l’ouvrage.

C’est un livre d’un sérieux exemplaire, une somme en fait d’une précision diabolique où le moindre détail historique est rigoureusement sourcé.

Il se lit comme un polar trépidant même si j’ai trouvé que l’auteur rompait trop systématiquement la fluidité du récit par la présentation détaillée de trop nombreux personnages – pas tous essentiels à mon avis - ayant gravité autour du « phénomène » Sorge. Mais ce qui est aussi la preuve d’une grande rigueur et d’une volonté d’exhaustivité de sa part.

Une remarque importante : à partir de son arrestation, Sorge ne fut jamais maltraité ni torturé par les policiers ni par ses interrogateurs ni par ses gardiens japonais. Même si ses conditions de détention furent rigoureusement spartiates et « à la japonaise » (voir celles d’un certain Carlos Ghosn ) , il y eut toujours beaucoup de courtoisie entre eux et un comportement de grands seigneurs.

Et pour terminer : ce fut à partir de 1964 , donc bien longtemps après son exécution en novembre 44, que la Russie post-stalinienne réhabilita ENFIN son héros.

Un film du réalisateur français Yves Ciampi, «Qui êtes-vous, monsieur Sorge ? » y contribua beaucoup puisqu’il attira l’attention d’un certain Khroutchtev alors au pouvoir et qui exigea rien de moins qu’une vraie réponse à la question du titre !

J’ai vu ce film il y a quelques années et même si – d’après l’auteur du présent ouvrage – il est fondé en grande partie sur une version rocambolesque et historiquement pas toujours crédible, cette fiction m’avait quand même déjà fasciné et donné l’envie d’en savoir plus sur ce personnage hors du commun.

Là, avec « Richard Sorge/ Un espion parfait/ Le maître agent de Staline » d’Owen Matthews/ aux Éditions Perrin,  je peux dire que j’ai vraiment trouvé mon bonheur !

Il m'a même donné l'idée d'une énigme à percer dans le topic de jeu

En tour cas, si vous êtes vous-même à la recherche d’une histoire exceptionnelle, celle d’un espion exceptionnel narrée par un auteur de très haut niveau, nul doute que vous trouverez le vôtre aussi ! smile

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 12/02/2021, à 10:07)

#542 Le 12/02/2021, à 20:33

CM63

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour,

J'ai lu "la gloire des vaincus", toujours de Henri Troyat, et toujours trouvé dans un passe-livres.

La révolte des « Décembristes » en Russie, à la fin du XIXième siècle, est sévèrement réprimée par le pouvoir Tsariste. Le jeune Nicolas est proche du groupe et est pris dans la tourmente. Alors que les principaux leaders subiront la peine de mort, Nicolas ne sera « que » déporté en Sibérie.

Sa jeune épouse Sophie, d’origine française, va entreprendre de le rejoindre, comme l’ont fait ces princesses, épouses d’officiers ou de notables, qui ont obtenu le droit de rejoindre leur mari, également compromis dans la révolte.

Tout au long de cette épreuve, elle est confrontée à l’inertie de l’administration et aux préjugés des militaires. Ne serait-ce pas cette épouse française qui aurait perverti Nicolas par ses idées ?

A cela s’ajoute la priorité des Postes, pour avoir des chevaux de rechange dans les relais. Son domestique Nikita, dont le jeune âge peut, par ailleurs, faire jaser, va l’aider à outrepasser certains de ces obstacles.

Arrivés dans une ville aux confins de la Sibérie, mais encore loin du lieu de détention, Nikita ne peut plus poursuivre. On le convainc de trouver un métier sur place et de s’y établir.

Avant de le quitter, pour continuer son chemin vers son mari, Sophie donne une somme d’argent à Nikita afin de l’aider à s’établir. Elle le quitte le cœur serré, en espérant qu’il va accepter son sort.

Loin de l’accepter, Nikita y échappe et va rejoindre sa « barynia » dont il est amoureux. Il utilise l’argent pour acheter des chevaux pour le trajet.

Entre temps, après de longues péripéties, Sophie rejoint le bagne. Elle est logée dans la même maison que les trois princesses, qui l’accueillent chaleureusement.

Nicolas, comme les maris des princesses, sont autorisés à visiter leur épouse dans cette maison, les chaînes aux pied, et surveillés par un militaire.

Dernière modification par CM63 (Le 12/02/2021, à 20:36)


Quoi? Quelque chose que je ne connais pas et qui me fait l'affront d'exister?!

Hors ligne

#543 Le 04/03/2021, à 15:53

Compte supprimé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Après la claque du Seigneur des porcheries, je poursuis ma plongée dans le Midwest américain avec Le Diable, tout le temps de Donald Ray Pollock.
L'histoire se déroule entre la fin de la guerre 39-45 et le milieu des années 60 où l'on suit plusieurs personnages dont les funestes destins vont s'entrecroiser. Je n'en dis pas plus pour ne pas "divulgâcher" le plaisir d'un futur lecteur.
C'est une véritable descente aux enfers dans un univers d'une noirceur absolue. Mais c'est magnifiquement écrit et la psychologie des personnages est très fouillée.
Un superbe roman dont on ne sort pas indemne et auquel on repense longtemps après l'avoir refermé.

#544 Le 07/03/2021, à 09:16

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Tandis que le cerveau N° 2 (le ventre) conserve intacte sa responsabilité dans la gestion de son domaine, les cerveaux n° 1 (la tête) et le 3 (le smartphone) rencontrent chaque jour de nouvelles difficultés pour délimiter leurs zones d’autorités respectives, non seulement dans le champ des fonctionnalités cognitives et praxiques où le cerveau 3 multiplie les incursions et les enclaves, mais également, depuis peu, dans celui des grandes fonctionnalités biologiques (rythme cardiaque, sommeil, marche, diététique etc.) pilotées jusque là par le cerveau n° 1, mais au sujet desquelles le cerveau n° 3 prétend désormais développer les outils de contrôle et de calculs statistiques. 

Voilà : tout est dit.

De manière critique et lucide, l’auteur passe en revue tous les aspects de l’importance quasiment addictive que cet outil a pris dans nos vies quotidiennes : un chapitre analyse notamment  la captation quasiment totalitaire de nos attentions avec les défauts de concentration que l’utilisation irraisonnée de cet outil peut parfois entraîner.

Mais d’autres chapitres analysent dans le détail toutes les fonctionnalités et toutes les possibilités nouvelles qu’offre le smartphone, au point de devenir la deuxième peau absolument nécessaire de chaque individu.

L’auteur réserve la fin de l’ouvrage à une réflexion profonde et intéressante sur les rapports à autrui et au sort du monde : cet outil va-t-il faire de nous des citoyens surinformés plus responsables, plein d’empathie pour les autres et actifs ou bien va-t-il nous laissés prostrés au niveau d’usagers lobotomisés, blasés et indifférents au sort des autres et du monde ?

 

Soumis au diktat du sensationnel et de l’image choc qui sont le carburant même de la surinformation, le smartphone ne laisse aucun répit à nos réflexes de compassion. Notification des news, flash spécial des infos continues, réactions virales sur les réseaux sociaux, messages personnels de notre entourage : à chaque nouvelle avanie, c’est de l’intérieur que nous sommes assignés à ressentir l’événement comme s’il frappait nos proches. Trop tirer sur la corde de la commisération viscérale finira-t-il par nous anesthésier ou par nous rendre le malheur du monde de plus en plus insupportable, jusqu’au point de rupture ? 

La question reste totalement ouverte et l’auteur se garde bien de la trancher.

Mais, je retiens dans les dernières pages de l’ouvrage cette citation explicite qu’il tire d’un film de Chris Marker, Le Joli mai (1962) :

« Tant que la misère existe, vous n’êtes pas riches.
Tant que la détresse existe, vous n’êtes pas heureux.
Tant que les prisons existent, vous n’êtes pas libres. »

"Le troisième cerveau / Petite phénoménologie du smartphone" (Pierre-Marc de Biasi)

#545 Le 09/03/2021, à 01:56

gazimel

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

« — Bien sûr. J’ai tué.
— Pendant la guerre, n’est-ce pas ?…
— Oui. C’était au début de l’année 1942 ; l’armée japonaise était alors victorieuse et avait envahi les Philippines où les soldats américains offraient une résistance acharnée. Les combats avaient lieu à l’arme blanche. Les Japonais de votre âge n’ont pas idée de ce qu’est un combat à l’arme blanche.
— Pas vraiment, répondis-je franchement.
Au début de la Guerre du Pacifique, j’avais deux ans.
— C’est un engagement au corps à corps sans merci. Les armes ne sont plus « blanches », mais rouges de sang…
Il y avait de la passion dans sa voix.
— La baïonnette est fixée au bout du fusil et l’on monte à l’assaut en serrant les dents, décidé à tuer. On se bat aussi bien en frappant avec la crosse qu’en perçant avec la pointe. Un jour, j’ai vu un énorme GI américain se dresser devant moi. Instinctivement, j’ai lancé ma baïonnette en avant : la lame a pénétré dans le ventre. Il ne faut pas croire que cela entre facilement : j’ai dû appuyer tellement fort que j’en avais des crampes dans les mains. Le sang s’est mis à gicler, j’en étais couvert. L’Américain a voulu crier quelque chose, il est tombé face contre terre. J’ai retiré la lame de son corps et suis resté stupéfait, à contempler l’homme que j’avais tué.
Il reprit son souffle et porta son verre à ses lèvres.
— Plus que de la stupeur, ce que j’ai ressenti à cet instant précis était une forme d’extase. Plus de quarante ans se sont écoulés, mais je n’ai jamais, depuis, éprouvé de sensation aussi pure et aussi forte.
— Pourtant parmi les Japonais de votre génération, nombreux sont ceux qui détestent la guerre et regrettent les massacres auxquels ils ont dû participer.
— Ce sont des menteurs ! me répondit-il en haussant la voix.
— Pourquoi dites-vous cela ?
— Ce sont des hypocrites qui ne pensent qu’à sauver la face. Après la guerre, le Japon est passé brusquement sous la férule des pacifistes à tout crin, et tous nos opportunistes ne sont pas assez bêtes pour avouer qu’ils ont pris du plaisir à tuer ! Je connaissais un officier qui se vantait d’avoir tué plus de vingt personnes de ses propres mains ; après la défaite, il s’est mis à expliquer qu’il avait menti et que, pacifiste convaincu au fond de l’âme, il avait fait la guerre à contrecœur. Cela me révolte ! « 

Imaginez, vous êtes confortablement installé dans votre fauteuil préféré, une boisson réconfortante à portée de main, votre chien assoupi assure la protection de la maisonnée .
Vous étiez parti pour un voyage dans un pays lointain, donc exotique, et vous voila dans les tranchées de Verdun avec une baïonnette. Et si Papi était un assassin, et si j’avais hérité de cette terrible malédiction ? Votre chien s’ébroue. La police serait elle sur mes traces…

Meffiez vous des auteurs Japonais.

Petits crimes japonais. Kyotaro Nishimura

Hors ligne

#546 Le 09/03/2021, à 07:10

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Merci pour ce partage gazimel et l'idée de recopier un extrait qui "interpelle" (comme on dit) est le meilleur moyen de faire "parler" un livre en dehors des commentaires que l'on peut faire à son sujet.

Ceci dit, je viens de faire un tour pour découvrir le résumé du bouquin et ça n'est pas du tout ce que je pensais : à savoir un livre sur la Deuxième Guerre mondiale. vue par un japonais.

Non, il s'agit d'un polar à nouvelles et j'ai vraiment envie de le mettre à mon agenda de lectures prochaines. wink

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 09/03/2021, à 07:18)

#547 Le 12/04/2021, à 02:53

gazimel

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

"Pourquoi les humains auraient-ils besoin d’illusions en politique ? Qu’est-ce qui les pousserait à se soumettre à un gouvernement qui, la plupart du temps, les prive de leur liberté au prétexte de vouloir protéger leur existence ? Étienne de La Boétie nous a apporté quelques lumières sur ce désir de soumission fondé sur l’illusion de chaque « tyranneau » de pouvoir tirer de tous un profit immérité. Mais il y manquait, et c’est normal, ces déterminants psychiques qui nous poussent à adhérer, contre nos intérêts parfois, à une autorité qui n’est vraiment jamais légitime. Elle n’est légitime que d’occuper une fonction, sociale et politique, c’est certain, mais aussi psychique. Sans la reconnaissance de cette fonction psychique, le pouvoir aurait beaucoup de mal à se maintenir."

L'auteur fait une approche psy du pouvoir. On peut le comprendre, c'est son métier. Mais plus intéressant, il nous dit une chose simple, le pouvoir c'est d'abord et surtout le verbe. Ne pas confondre pouvoir et autorité, et la il nous parle de nous, de notre acceptation du chef.

"Emmanuel Macron est le personnage héroïque de cette modernité où les élites désertent les valeurs de dette, de justice et d’égalité au profit de celles de performance et d’efficacité."

Clairement un changement d'époque. On sort du collectif pour rentrer dans l'individualisme au profit de petits groupes. Tout ça vous a un air terriblement moyenâgeux.

Roland Gori. La nudité du pouvoir.

Hors ligne

#548 Le 12/04/2021, à 07:07

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

On entre au coeur de l’entreprise pharmaceutique Santaz qui promeut l’entrée en scène d’un de ses nouveaux cheval de bataille, le « Zépam », chargé de neutraliser quelques unes des maladies modernes de la civilisation occidentale moderne comme l’anxiété et l’insomnie.

« Le Zépam était un myorelaxant. La molécule agissait sur un neurotransmetteur du cerveau et bloquait son activité nerveuse. »

L’auteur nous présente dès le début de son ouvrage l’organigramme précis de l’entreprise avec une description soigneuse de chaque grand cadre de l’entreprise, depuis son PDG  Lagabarre  66 ans,  en haut de l’échelle,  jusqu’au responsable de l’informatique, Mornichon , 32 ans, atteint de surdité et considéré par ses pairs comme un demeuré un peu attardé. Le poste de Directeur Général est à pourvoir.

L’organigramme comprend aussi les chefs de réseau, les directeurs régionaux, les visiteurs médicaux et visiteuses médicales.

Tout ce beau monde embarque pour un stage de motivation de Thaïlande : certains cadres mariés accompagnés de leur épouse, d’autres non.

À l’exception d’une visiteuse médicale  qui a un compagnon en France et qui souhaite être mutée près de lui en Rhône-Alpes – en Thaïlande, elle devra accepter de coucher, dégoûtée, avec son chef de réseau Jeff pour atteindre son but - , les autres semblent être célibataires et libres.

On embarque ?

Le programme du jour a écrit :

Samedi

18 heures :

Rendez-vous à Roissy CDG 2 devant le comptoir d’embarquement de la compagnie Thaï Airways. Accueil par vos accompagnateurs, Eliane et Olivier. Remise de vos billets d’avion. N’oubliez pas votre passeport.

18 heures trente : Enregistrement des bagages et formalités

20 heures : Décollage pour Bangkok sur le voil TG 936. Dîner et nuit en vol.

Aujourd’hui nous fêtons les Alain.

Bonne journée à tous et bon vol !

« Pour Santaz, ce voyage est celui de tous les dangers. Les actionnaires sont aux aguets. Lagabarre n’est plus ce qu’il était. Et le poste de Directeur Général est à pourvoir. Celui qui l’obtiendra tiendra la boutique. Ces petites escapades à l’étranger sont très importantes. Loin du siège, des complots s’y trament, des passions s’y révèlent, sournoises et meurtrières. On y apprend quantité de choses. »

C’est une véritable tragédie grecque qui se joue au cours de ce séjour thaïlandais d’autant plus qu’une entreprise australienne fait les yeux doux à Santaz à la recherche d’une fusion/acquisition et qu’il y aura une charrette de licenciements à prévoir.

Mais, parallèlement à la fiction qu’il nous livre, l’auteur consacre de très longs passages – à mon avis assez « plaqués » et assez fastidieux à lire - à l’aspect politique mais aussi strictement médical du lobbying pharmaceutique en se basant sur  de nombreuses sources sérieuses et strictement scientifiques qu’il cite à la fin de son ouvrage en précisant quels chapitres elles concernent.

« Chères toxines » de Jean-Paul Joy est donc à la fois un roman mais également un ouvrage militant basé sur des sources scientifiques sérieuses qui nous met en garde contre la publicité faite par les labos vantant leurs nouveaux produits.

Chères toxines a écrit :

Epilogue. Une dernière chose. Trois ans après la commercialisation du Zépam, le forum sur Internet imaginé par Morniche a dû être fermé. L’afflux de messages négatifs sur l’accoutumance,  les effets secondaires et les difficultés liées au sevrage du Zépam nuisait à l’image de Santaz. Mais sur d’autres forums, les patients partagent leur détresse et leur expérience. On peut y lire ce genre de témoignages :

«  Cauchemars avec le Zépam » Posté par Lydia. « La nuit je fais de terribles cauchemars, est-ce moi seulement ou d’autres aussi parmi vous ? Merci de vos réponses. Lydia

En cette période de pandémie mondiale très particulière avec tout ce qui s’y rattache en termes de sciences médicales, « d’experts » qui se succèdent sur les plateaux des médias, mais aussi du rôle joué par les labos et de l’importance de la vaccination en l’absence de traitements,- le tout sans reculs suffisants - je pense qu’il n’est pas inutile de lire ce genre de bouquin.

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 12/04/2021, à 07:08)

#549 Le 12/04/2021, à 07:21

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

gazimel a écrit :

"Pourquoi les humains auraient-ils besoin d’illusions en politique ? Qu’est-ce qui les pousserait à se soumettre à un gouvernement qui, la plupart du temps, les prive de leur liberté au prétexte de vouloir protéger leur existence ? Étienne de La Boétie nous a apporté quelques lumières sur ce désir de soumission fondé sur l’illusion de chaque « tyranneau » de pouvoir tirer de tous un profit immérité. Mais il y manquait, et c’est normal, ces déterminants psychiques qui nous poussent à adhérer, contre nos intérêts parfois, à une autorité qui n’est vraiment jamais légitime. Elle n’est légitime que d’occuper une fonction, sociale et politique, c’est certain, mais aussi psychique. Sans la reconnaissance de cette fonction psychique, le pouvoir aurait beaucoup de mal à se maintenir."

L'auteur fait une approche psy du pouvoir. On peut le comprendre, c'est son métier. Mais plus intéressant, il nous dit une chose simple, le pouvoir c'est d'abord et surtout le verbe. Ne pas confondre pouvoir et autorité, et la il nous parle de nous, de notre acceptation du chef.

"Emmanuel Macron est le personnage héroïque de cette modernité où les élites désertent les valeurs de dette, de justice et d’égalité au profit de celles de performance et d’efficacité."

Clairement un changement d'époque. On sort du collectif pour rentrer dans l'individualisme au profit de petits groupes. Tout ça vous a un air terriblement moyenâgeux.

Roland Gori. La nudité du pouvoir.

Je note, ça a l'air intéressant. wink

#550 Le 16/04/2021, à 06:49

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Montesquieu a écrit :

Je n'ai jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé.