#1301 Le 17/10/2012, à 00:38
- Omniia
Re : Sexisme et société
Omniia a écrit :@Crocoii : Penses-tu que les condamnations peuvent avoir un impact sur les représentations générales de la gravité des actes dans une société (au-delà de ton cas personnel) ?
A la marge, peut être, sinon, j'ai des doutes. Personne n'assiste à des procès pour comprendre comment notre société produit de la justice. En dehors des buzzs, tout le monde s'en tape. Un buzz, ça créait du vacarme puis deux mois après, tout est oublié. Y a que les criminels du milieu, des militants et les avocats qui ont une idée de ce que fait la justice.
Et alors ? Ma question concernait seulement les connaissances générales que l'on a concernant les types et les durées des peines en fonction des actes commis.
Et je suis totalement d'accord avec ArkSeth :
Par ailleurs, il me semble que ta raison et ton empathie, et plus encore ce que te disent les autres gens, sont eux-mêmes le reflet de la société dans laquelle tu vis, et il me paraît assez cavalier de recentrer aussi catégoriquement ton estimation sur des facteurs qui te seraient purement internes. Comme on dit, je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous
Les connaissances que l'on a des condamnations ne peuvent-elles pas avoir un impact sur ta raison, ton empathie, etc. et ainsi sur ce que tu estimes être grave ?
Démocratie Libre : Un projet de démocratie directe.
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#1302 Le 17/10/2012, à 05:40
- Sopo les Râ
Re : Sexisme et société
Je pense que cette question mériterait de véritables études, plus que de simples avis.
Une remarque cependant : votre propre comportement suite à ce verdict contredit votre argument. Loin de considérer désormais le viol comme « moins grave », vous êtes des milliers à exiger des peines plus lourdes.
La sieste, c'est maintenant.
* * *
« J'ai l'intention de vivre éternellement. Pour l'instant, tout se passe comme prévu. »
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#1303 Le 17/10/2012, à 07:13
- Вiɑise
Re : Sexisme et société
Crocoii : ils lui sont tous passés dessus... donc tous violeurs, donc tous criminels. La tête pensante doit avoir une peine plus lourde. Ce n'est pas les suiveurs qui doivent en avoir une plus légère.
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#1304 Le 17/10/2012, à 08:41
- Crocoii
Re : Sexisme et société
Les connaissances que l'on a des condamnations ne peuvent-elles pas avoir un impact sur ta raison, ton empathie, etc. et ainsi sur ce que tu estimes être grave ?
C'est ce genre de logique qui mène à la tolérance zero ou aux peines planchés qui n'ont jamais été efficace contre la criminalité. Cf les 10 ans de Sarkozysme.
Mais après, pourquoi pas oublier 10 ans de lutte, c'est des violeurs après tout, pas des pédophiles ou des meurtriers...
Et note : je préfère dire je car les gens et la société, je ne suis pas sociologue, je n'ai aucune étude donc je préfères éviter de manipuler ce genre de concept (très creux).
"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"
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#1305 Le 17/10/2012, à 09:34
- Elzen
Re : Sexisme et société
C'est ce genre de logique qui mène à la tolérance zero ou aux peines planchés qui n'ont jamais été efficace contre la criminalité. Cf les 10 ans de Sarkozysme.
Ça, je veux bien que tu développes ; à vue de nez comme ça, je n'vois pas trop le rapport.
Et note : je préfère dire je car les gens et la société, je ne suis pas sociologue, je n'ai aucune étude donc je préfères éviter de manipuler ce genre de concept (très creux).
Perso, je ne trouve pas le concept « creux », au contraire ; pour le reste, ça se comprend en effet.
Elzen : polisson, polémiste, polymathe ! (ex-ArkSeth)
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#1306 Le 17/10/2012, à 15:52
- Grünt
Re : Sexisme et société
Le truc qu'on oublie de mentionner, c'est l'attitude des gus pendant le procès :
http://www.liberation.fr/societe/2012/1 … pel_852803
Ils sont présentés comme des gens réinsérés, qui n'ont pas commis d'autres crimes.. ok.
En attendant, ils ne se sont pas gênés pour insulter les victimes, pour prétendre que ça leur a plu.. même si en apparence ils ont l'air "normaux" maintenant, je trouve ça flippant qu'on laisse courir des gens capable de dire "elle a aimé ça" à une victime de viol, ou qui l'ont traitée de "grosse vache" pendant le procès. Ca montre que même maintenant ils n'ont pas conscience de ce qu'ils ont fait. Ils n'ont pas fait amende honorable, n'ont pas juste plaidé leur innocence ("j'étais pas là, menteuse") ou juste expliqué leur erreur ("je croyais vraiment que tu aimais ça"). Ca va bien au-delà, et c'est aussi ce qui fait que le verdict est vraiment étrange. Ils ont l'attitude de gens prêts à recommencer, peut-être parce qu'ils pensent être impunis. J'espère que l'appel les fera "percuter". Parce que là, ils n'ont toujours pas saisi le problème, et ça c'est grave.
Dernière modification par Grünt (Le 17/10/2012, à 15:53)
Red flashing lights. I bet they mean something.
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#1307 Le 17/10/2012, à 16:13
- Omniia
Re : Sexisme et société
+1
Ils sont présentés comme des gens réinsérés, qui n'ont pas commis d'autres crimes.. ok.
Petite précision, vu que l'insertion des condamnés semble très importante : l'un d'eux a comparu détenu et sera jugé en novembre concernant une autre affaire criminelle (assassinat de sa compagne + enlèvement et séquestration de leur enfant en 2010).
Source
Dernière modification par Omniia (Le 17/10/2012, à 16:17)
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#1308 Le 17/10/2012, à 16:41
- Вiɑise
Re : Sexisme et société
Et bah ils sont beaux les anciens violeurs repentant et réinssérés qu'on essaie de nous dépeindre…
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#1309 Le 17/10/2012, à 16:47
- david96
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#1310 Le 17/10/2012, à 17:28
- Omniia
Re : Sexisme et société
Je pense que cette question mériterait de véritables études, plus que de simples avis.
Je viens de trouver un article de 2011 sur Cairn dans lequel les auteurs testent l'effet dissuasif de la sanction légale en matière d'homicides :
Vaillant N., Dervaux B. La dissuasion des homicides volontaires : une analyse économétrique sur données de panel françaises
Si l'un-e de vous s'y connaît un peu en économétrie qu'il-elle n'hésite pas à donner son point de vue... Je n'ai aucune notion là-dessus, et globalement l'article est juste imbuvable !
Ce que j'ai compris de cette étude :
Elle est faite sur la base de données de panel relatives aux trente ressorts de cour d'appel de France métropolitaine pour les années 1988 à 1993.
Les variables étudiées sont : la probabilité de jugements pour homicide(s), la probabilité conditionnelle d'incarcération (peines de prison pour homicide/jugements pour homicide), la longueur moyenne des peines de prison infligées aux auteurs d'homicides, le taux de chômage et le revenu net imposable moyen.
Concernant les résultats :
- l'effet dissuasif du risque de sanction est vérifié
- l'effet dissuasif d'une hausse de la durée moyenne de la sanction n'est pas vérifié
- les effets des variables socioéconomiques sont vérifiés
Leur interprétation concernant la non vérification de l'effet de la longueur de la sanction :
Le coefficient calculé dans l’équation (3a) est positif mais non significatif. Nous pouvons rendre compte de ce phénomène de trois manières. La première, théorique, est que les criminels seraient plutôt riscophiles. Dès lors, une modification de la probabilité de sanction serait plus dissuasive qu’une modification de son montant (Neilson et Winter [1997]). aucune information dans les données utilisées ne permet toutefois de valider fermement cette hypothèse. La deuxième explication est également de nature théorique : la population constituée d’auteurs d’homicides qui ont été arrêtés peut inclure un nombre important d’individus qui ne peuvent être dissuadés, c’est-à-dire d’individus ayant une « offre d’homicides » particulièrement inélastique. La dernière explication est empirique : le quantum moyen des peines de prison désigne la durée moyenne à laquelle les criminels arrêtés sont condamnés, et non le temps qu’ils passent effectivement en prison. Dès lors, la variable utilisée ne mesure pas vraiment le phénomène étudié
Dans cet article ils évoquent rapidement une autre étude, concernant la sanction des viols :
Plus récemment, des données de panel françaises ont également été utilisées par Vaillant et Wolff [2010], qui ont testé une proposition de Stigler [1970] : augmenter la sanction à l’encontre d’une infraction particulièrement dommageable (en l’occurrence les viols) est susceptible de générer de la dissuasion marginale, c’est-à-dire dissuader des infractions réputées moins graves (des atteintes sexuelles dites mineures).
-> Vaillant N., WoLff F.-C. (2010) Does punishement of minor sexual offences deter rapes? Longitudinal evidence from France. European Journal of law and economics, 30 (1), p. 59-71.
Économétrie en anglais, j'ai pas le courage...
Dernière modification par Omniia (Le 17/10/2012, à 17:45)
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#1311 Le 17/10/2012, à 19:28
- Crocoii
Re : Sexisme et société
Ça, je veux bien que tu développes ; à vue de nez comme ça, je n'vois pas trop le rapport.
L'escalade de la répression pour faire peur aux criminels fut ce qui ont motivés la tolérance zero comme les peines planché sur lesquelles se fondent la propagande pour instaurer un état policier.
"Le crime, c'est mal. Faut faire peur aux méchants. Augmentons les sanctions, les moyens policiers, etc". Le tout est répété à chaque fait divers dégueux et au fur et à mesure, les cameras de surveillances deviennent des cameras de sécurité, la présence policière se multiplie et un climat de méfiance envers autrui s'instaure.
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#1312 Le 17/10/2012, à 19:33
- Elzen
Re : Sexisme et société
L'escalade de la répression pour faire peur aux criminels fut ce qui ont motivés la tolérance zero comme les peines planché sur lesquelles se fondent la propagande pour instaurer un état policier.
Sauf que le propos d'Omniia, sauf erreur de ma part, ne parlait absolument pas d'escalade de la répression ; juste de la question de savoir si, éventuellement, une peine particulière, fixée, ne servirait pas aux gens, parmi d'autres facteurs, à estimer la gravité d'un acte…
En gros, elle te dit « un truc, à une valeur bien précise, peut-il avoir tel effet », et tu lui répond « quand on fait varier la valeur dans ce sens-là, ça donne ça » ; donc 'me semble bien que c'est en décalage.
Dernière modification par ArkSeth (Le 17/10/2012, à 19:35)
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#1313 Le 17/10/2012, à 19:54
- Crocoii
Re : Sexisme et société
Crocoii a écrit :L'escalade de la répression pour faire peur aux criminels fut ce qui ont motivés la tolérance zero comme les peines planché sur lesquelles se fondent la propagande pour instaurer un état policier.
Sauf que le propos d'Omniia, sauf erreur de ma part, ne parlait absolument pas d'escalade de la répression ; juste de la question de savoir si, éventuellement, une peine particulière, fixée, ne servirait pas aux gens, parmi d'autres facteurs, à estimer la gravité d'un acte…
En gros, elle te dit « un truc, à une valeur bien précise, peut-il avoir tel effet », et tu lui répond « quand on fait varier la valeur dans ce sens-là, ça donne ça » ; donc 'me semble bien que c'est en décalage.
Art. 222-23 : Le Viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Vu les commentaires des accusés relayés par Grunt, l'effet n'est pas au rendez vous.
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#1314 Le 17/10/2012, à 19:57
- Вiɑise
Re : Sexisme et société
Parce qu'auparavant ils ont eu droit aux discours comme quoi ça faisait longtemps et qu'ils étaient mineures au moment des faits. Les accusés sont choyés et rassurés contrairement aux victimes.
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#1315 Le 17/10/2012, à 19:58
- Crocoii
Re : Sexisme et société
Parce qu'auparavant ils ont eu droit aux discours comme quoi ça faisait longtemps et qu'ils étaient mineures au moment des faits. Les accusés sont choyés et rassurés contrairement aux victimes.
Ça, ce n'est pas l'explication après coup de Maitre Eolas ?
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#1316 Le 17/10/2012, à 20:10
- Вiɑise
Re : Sexisme et société
Tu ne lis pas assez de témoignages de flics.
Les avocats ne traînent pas pour rassurer les accusés.
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#1317 Le 17/10/2012, à 20:18
- Crocoii
Re : Sexisme et société
Tu ne lis pas assez de témoignages de flics.
Les avocats ne traînent pas pour rassurer les accusés.
Où ? De quoi tu parles ?
Un avocat qui explique ce que risque son client en vertu de sa connaissance du dossier, c'est logique.
Qu'est ce que a été le discours du procureur lors du procès ? Celui des juges ? Comment ils ont interrogés les accusés ou les victimes ?
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#1318 Le 17/10/2012, à 20:54
- Вiɑise
Re : Sexisme et société
C'est bien ce que je te disais.
Si les accusés pouvaient se permettent de ricaner, c'est parce qu'auparavant on n'a pas manqué de leur expliquer combien ils sont protégés par leur âge au moment des faits et leur nouveau statut de père intégré.
Les victimes, elles, ont du déménager et n'ont aucune protection contre les représailles.
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#1319 Le 17/10/2012, à 21:02
- Crocoii
Re : Sexisme et société
Les victimes, elles, ont du déménager et n'ont aucune protection contre les représailles.
L'accompagnement des victimes de viol est scandaleux, je suis d'accord.
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#1320 Le 17/10/2012, à 21:33
- david96
Re : Sexisme et société
J'ai du mal à suivre. Quel est le sujet de la discorde ?
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#1321 Le 20/10/2012, à 04:07
- Nedjma
Re : Sexisme et société
La question de la punition...
J'ai ressortit un petit livre qui s'appelle Pourquoi faudrait-il punir de Catherine Baker. Sur l'abolition du système pénal.
Mais avant d'en citer un passage, je voudrais réagir à la question d'Omnila sur l'effet d'une condamnation en recadrant le sujet sur le viol collectif de deux femmes.
On enseigne aux femmes depuis qu'elles sont toutes jeunes à être les proies de la gente masculine. Les cours d'école sont le reflet de cet apprentissage. Il est, me semble-t-il toujours très présent dans les mentalités qu'une femme doit se protéger d'éventuelles agressions. Mais l'on enseigne très peu - ou pas du tout - aux hommes à ne pas agresser. Il est normal qu'un petit garçon développe dès sa plus tendre enfance une attitude dominante, agressive envers tout le monde et aussi envers les filles qui sont « naturellement » les plus faibles, qui doivent être les plus faibles. Un garçon, ça se bagarre, une fille, ça se peigne. Ça me rappelle une discussion antérieure sur ce topique sur l'occupation de l'espace par les individus mâles ou femelles. Un homme apprend très vite à envahir l'espace alors qu'une femme se fait généralement plus discrète.
Donc de toutes façons, j'ai l'impression que la justice ne pourra jamais être une solution en soi contre les violeurs puisque la société leur indique deux comportements opposés : l'une c'est la légitimation de leur domination sur les femmes (et je crois aussi d'hommes jugés plus faibles ainsi assimilés aux femmes) donc une valeur de leurs droits plus élevée que ceux des femmes, et d'autres part l'existence plausible d'un châtiment s'ils se font prendre à commettre des actes légalement punissables. C'est-à-dire qu'en soi, la morale fixe juste une limite à l'acceptable : à partir de quel moment les agressions des hommes envers les femmes ne sont-elles plus « normales » mais « condamnables » ? Le viol est d'autant plus compliqué qu'il s'agit d'une domination sexuelle légitimée dans le cas du mariage et alliances similaires (il reste très compliqué de déposer une plainte contre son mari ou son compagnon pour viol puisqu'on est a priori de toutes façon consentante et en l'absence de blessures, il est en général assez compliqué de paraître de bonne foi, d'être prise au sérieux).
Après je pense aussi que la peur du châtiment est souvent dissuasif, mais c'est aussi pourquoi il n'éradique pas la « source du mal », les raisons de son existence mais permet seulement qu'on étudie mieux la manière de transgresser la loi et donc de commettre des actes répréhensibles par celle-ci. Il me semble que l'attitude de ces violeurs en prétendant que les victimes ont passé un bon moment revient justement à l'infantilisation des femmes qui consistent à dire qu'on sait toujours mieux pour elles ce qui est leur bien. Il est d'ailleurs encore courant d'entendre, quand une femme dit non, elle pense oui... Si elle dit je ne veux pas, elle en a en fait très envie, il faut juste aider un peu l'idiote à s'en rendre compte. Et à quinze dessus, elle devrait vite se rendre à l'évidence non ? Donc, j'ai l'impression que, malheureusement peut-être, les punitions judiciaires ne feront rien pour éviter les viols puisqu'à aucun moment, notre société nous préparent à vivre entre genres dans l'égalité sociale et je crois que le jugement de ces violeurs-associés dans une société qui normalement recours à la punition mais qui dans ce cas y a renoncé, démontre bien le conflit d’intérêts entre deux genres. L'un peut continuer à être bourreau socialement très bien intégré (famille, travail, etc), et l'autre une victime éternellement désintégrée, détruite, décomposée, réduit à être un dommage collatéral d'une société définitivement discriminante, et qui a renoncé justement à son propre mécanisme judiciaire dans les cas ou cela ne représente que peu d’intérêt au regard de la nécessaire cohésion sociale.
Je pense qu'au lieu de vouloir créer des boucliers, il serait plus efficace d'aller déraciner la source de l'agression pour que nous les femmes cessions d'être systématiquement celle qui devons nous protéger, donc renoncer à être libre d'exister sans menaces, et qu'il faut donc enseigner aux hommes qu'ils ne sont que nos égaux. Si dans ce cas, nous considérons la punition nécessaire, je pense qu'elle arrive de toutes façons trop tard à l'adolescence ou à l'age adulte. C'était bien avant qu'il fallait intervenir. Il me semble que cette histoire de cerveau en formation devrait être pris en compte beaucoup plus, mais il me semble avoir lu sur le sujet, des textes arguant que la punition des enfants (corporelle ou psychologique) n'aidait en rien à la formation d'individus pacifiques. C'est pour moi une éternelle question, moi qui ne suis pas scientifique pour deux sous.
Pour ce qui est de la réparation de la victime qui me semble est encore plus compliqué à résoudre puisque je pense qu'effectivement ce qui se brise chez un individus violé (ou carrément chez des personnes qui ont perdu un être cher) est difficilement « réparable ». Je crois que ce qu'apporte une condamnation est avant tout la reconnaissance du mal. C'est-à-dire que la victime est reconnue dans sa souffrance, sa détresse. Mais ceci n'est qu'un point de départ vers la reconstruction me semble-t-il.
Donc je vous laisse ce petit passage d'un livre que j'aime beaucoup, source selon moi de débat au-delà du simple châtiment :
Concrètement, que proposent les abolitionnistes ? De remplacer la justice rétributive (infliger du mal à celui qui a infligé du mal) par une justice que, selon les pays, on appelle reconstructive, transformative, conciliatrice ou positive. La victime devient alors le centre du processus ; d'une manière ou d'une autre, elle doit obtenir réparation. Mais l'offenseur est considéré comme infiniment digne d’intérêt, il doit être compris et pouvoir réclamer justice, lui aussi. Les abolitionnistes estiment qu'avant de livrer la guerre, on doit faire appel aux diplomates, leur donner le temps et les moyens d'obtenir un règlement du conflit qui satisfassent les deux parties. Tout repose donc sur l'idée de médiation.
[…]
En Afrique du Sud, dans les dernières années de l'Apartheid, des tortures aussi inédites que monstrueuses ont été pratiquées par ses partisans mais aussi par les autres. La commission Vérité et Réconciliation mise en place par Desmond Tutu a opéré une véritable révolution dans le système judiciaire habituel : à condition d'avouer publiquement son crime dans un face à face avec la famille de la victime, le coupable était assuré de ne pas être condamné, de repartir libre. Mais il devait tenter de comprendre et d'expliquer pourquoi il avait agi ainsi et répondre à toutes questions des personnes qu'il avait torturé ou des proches de celles-ci. Par cet aveu détaillé, le meurtrier permettait à la victime d'être reconnue pour véridique dans sa version des faits ; on donnait raison à sa souffrance, ce qui était fondamental. Les meurtriers étaient aussi amenés à libérer des familles de l'insupportable angoisse de ne pas savoir ce qui était arrivé aux disparus.
Il nous faut un peu d'imagination pour percevoir à quel point cet aveu requerrait de force. Desmond Tutu nous apprend par exemple que des membres des escadrons de la mort étaient considérés comme des personnes respectables par leurs collègues et voisins et que la plupart du temps, leurs enfants et leur épouse ignoraient leur activités « militantes ». D'apprendre qu'ils s'étaient conduits en boucher et en tueur en série étaient pour les familles un tremblement de terre. Ainsi l'aveu n'était-il pas – ou pas seulement- un moyen d'échapper à la punition et les victimes ont-elles été vite convaincues qu'elle partageaient avec la famille « d'en-face » un traumatisme qu'il fallait supporter le plus dignement possible, la compréhension se révélant être la seule voie pour se mettre l'esprit et le cœur au large.
"Nos poings se serrent, se souvenant toujours des antiques rébellions, des songes plus anciens que la mousse au pied des arbres. (...) Nous tendons à travers les ténèbres l'oreille des désespérés. Le feu s'est refroidit dans nos muscles. Devenu matière dure, infracassable, il nous maintient debout irrémédiables dissidents." André Laude
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#1322 Le 20/10/2012, à 10:11
- yrieix
Re : Sexisme et société
On enseigne aux femmes depuis qu'elles sont toutes jeunes à être les proies de la gente masculine.
C'est à dire ? Sinon moi c'est le contraire, je ne fus depuis mon plus jeune âge que la proie de la gente féminine.
Les cours d'école sont le reflet de cet apprentissage.
C'est à dire ?
Il est, me semble-t-il toujours très présent dans les mentalités qu'une femme doit se protéger d'éventuelles agressions.
Elle doit porter une ceinture chasteté ? S'habiller avec une armure ? porter des armes dissuasives, battes, bombes lacrymo ?
Mais l'on enseigne très peu - ou pas du tout - aux hommes à ne pas agresser.
On ne l'enseigne pas plus aux femmes a priori... ? D'ailleurs qui est, ce "on" ? L'école, la société, les parents, les circonstances de la vie ? Est-ce qu'il est responsable ? A combien de pour cent ça doit jouer sur son innocence ?
Il est normal qu'un petit garçon développe dès sa plus tendre enfance une attitude dominante, agressive envers tout le monde et aussi envers les filles qui sont « naturellement » les plus faibles, qui doivent être les plus faibles. Un garçon, ça se bagarre, une fille, ça se peigne.
Mais non c'est pas normal du tout et ce n'est pas vrai en plus. Tu te sers juste de gros clichés complètement désuets, des clichés des années 60 pour justifier ta thèse qui va suivre. Dans ces cas là, t'imagine que le reste, s'il se base sur ces informations là, n'a plus trop de sens.
Par ailleurs, c'est bien de remettre le système en question, mais ce n'est pas vraiment le problème auquel se confrontent les questions d'Omniia. Là on est dans un cas de figure bien précis, avec un passé et un présent précis. Je veux dire, si on a appris aux victimes (selon leurs habitudes passées précises) que, seule la condamnation de leurs agresseurs pourront (présent) atténuer leurs souffrances, alors ça ne change rien au problème, et ton message n'apporte pas d'élément de réponse, ni même de réflexion.
Après ça empêche pas de remettre en question le système judiciaire actuel (au contraire), comme vous êtes plusieurs à le faire d'ailleurs - et tous grosso modo HS puisque je ne crois pas qu'on puisse l'introduire directement et de cette façon (avec tous les éléments qui font que ce système existe de cette façon précise) dans cette affaire - mais donc, en dehors ce cette histoire de viol.
Pour revenir au sujet, je pense qu'il est assez difficile de trouver LA bonne peine pour chacun des accusés, car chacun est différent. Dans l'absolu, je pense que 10 à 15 ans de sursis + une cinquantaine d'heures de goulag pour tout le monde aurait contenté les victimes et les violeurs.
Emancipate yourselves from mental slavery
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#1323 Le 20/10/2012, à 10:31
- Marie-Lou
Re : Sexisme et société
Le propos de Nedjma est confirmé par les études qui portent sur les normes de genre dans le milieu scolaire. Une « bagarre de garçons » c'est quelque chose de « normal » (ça ne veut pas dire que ça ne doit pas être contrôlé ou stoppé) ; une bagarre de filles est perçue selon deux perspectives contraires selon le niveau de violence : soit il y a un aspect « amusant », comme s'il s'agissait d'une parodie de bagarre (c'est un truc qu'on voit bien dans les séries par exemple, quand deux filles se « crêpent le chignon » − rien que l'expression… − , c'est plutôt présenté comme une plaisanterie, les gens rient autour et filment avec leur portable), soit c'est perçu comme anormalement dangereux, lorsque une « même » bagarre de garçons n'aurait pas suscité la même indignation. Voir par exemple l'article Normes scolaires et normes de genre : la construction des déviances féminines dans la discipline scolaire de Camille Mascalet, revue Interrogations, n°8, juin 2009.
À l'inverse, on passe beaucoup plus facilement sur la violence des garçons (quelle soit physique et/ou verbale) et, plus encore, on l'organise en réservant des lieux permissifs à l'égard de cette violence (et là on rejoint la question de l'appropriation de l'espace par les hommes). Voir par exemple l'article Masculinité et espaces publics, l'offensive des cultures urbaines, chapitre de l'ouvrage Utopies féministes et expérimentations urbaines sorti en 2009 (dir. Sylvette Denèfle)
Compte clôturé
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#1324 Le 20/10/2012, à 10:50
- yrieix
Re : Sexisme et société
Le propos de Nedjma est confirmé par les études qui portent sur les normes de genre dans le milieu scolaire. Une « bagarre de garçons » c'est quelque chose de « normal » (ça ne veut pas dire que ça ne doit pas être contrôlé ou stoppé) ; une bagarre de filles est perçue selon deux perspectives contraires selon le niveau de violence : soit il y a un aspect « amusant », comme s'il s'agissait d'une parodie de bagarre (c'est un truc qu'on voit bien dans les séries par exemple, quand deux filles se « crêpent le chignon » − rien que l'expression… − , c'est plutôt présenté comme une plaisanterie, les gens rient autour et filment avec leur portable), soit c'est perçu comme anormalement dangereux, lorsque une « même » bagarre de garçons n'aurait pas suscité la même indignation. Voir par exemple l'article Normes scolaires et normes de genre : la construction des déviances féminines dans la discipline scolaire de Camille Mascalet, revue Interrogations, n°8, juin 2009.
Je commence à lire ton article, et me rend compte que cette étude est faite dans un lycée. "Nous verrons que la marge de manœuvre dont disposent les lycéennes" alors que Nedjma semble-t-il, nous parle d'enfants qui ont l'âge d'être en maternelle : "Il est normal qu'un petit garçon développe dès sa plus tendre enfance une attitude dominante". Donc je n'ai rien contre ton article que je vais continuer de lire, mais il n'a pas vraiment de rapport pour l'instant. De plus ça se passe dans un LEP, donc dans un lycée qui n'est pas le plus représentatif des lycées en général. Un lycée où il règne aussi certainement un autre état d'esprit. Bref.
À l'inverse, on passe beaucoup plus facilement sur la violence des garçons (quelle soit physique et/ou verbale) et, plus encore, on l'organise en réservant des lieux permissifs à l'égard de cette violence (et là on rejoint la question de l'appropriation de l'espace par les hommes). Voir par exemple l'article Masculinité et espaces publics, l'offensive des cultures urbaines, chapitre de l'ouvrage Utopies féministes et expérimentations urbaines sorti en 2009 (dir. Sylvette Denèfle)
Si c'est l'article que tu avais déjà cité il y a quelque mois, je me souviens de l'avoir lu. Ha non, chouette, un article sur le Hip-hop ^^ ça manquait un peu de musique sur ce topic
Emancipate yourselves from mental slavery
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#1325 Le 20/10/2012, à 11:02
- Marie-Lou
Re : Sexisme et société
Marie-Lou a écrit :Le propos de Nedjma est confirmé par les études qui portent sur les normes de genre dans le milieu scolaire. Une « bagarre de garçons » c'est quelque chose de « normal » (ça ne veut pas dire que ça ne doit pas être contrôlé ou stoppé) ; une bagarre de filles est perçue selon deux perspectives contraires selon le niveau de violence : soit il y a un aspect « amusant », comme s'il s'agissait d'une parodie de bagarre (c'est un truc qu'on voit bien dans les séries par exemple, quand deux filles se « crêpent le chignon » − rien que l'expression… − , c'est plutôt présenté comme une plaisanterie, les gens rient autour et filment avec leur portable), soit c'est perçu comme anormalement dangereux, lorsque une « même » bagarre de garçons n'aurait pas suscité la même indignation. Voir par exemple l'article Normes scolaires et normes de genre : la construction des déviances féminines dans la discipline scolaire de Camille Mascalet, revue Interrogations, n°8, juin 2009.
Je commence à lire ton article, et me rend compte que cette étude est faite dans un lycée. "Nous verrons que la marge de manœuvre dont disposent les lycéennes" alors que Nedjma semble-t-il, nous parle d'enfants qui ont l'âge d'être en maternelle : "Il est normal qu'un petit garçon développe dès sa plus tendre enfance une attitude dominante". Donc je n'ai rien contre ton article que je vais continuer de lire, mais il n'a pas vraiment de rapport pour l'instant. De plus ça se passe dans un LEP, donc dans un lycée qui n'est pas le plus représentatif des lycées en général. Un lycée où il règne aussi certainement un autre état d'esprit. Bref.
Je le fournis comme un exemple de normes de genre dans l'institution scolaire. Je suis tout à fait d'accord pour estimer qu'on ne peut pas faire comme si un lycée pro. était la même chose qu'un lycée général, et a fortiori, la même chose qu'une classe de maternelle. Ceci étant dit, il n'y a aucune raison de considérer que les représentations sociales présidant aux comportements différenciés envers les jeunes filles/hommes soient totalement cloisonnées au mur d'un tel lycée. C'est révélateur d'une répartition des rôles hommes/femmes qui dépasse très largement son enceinte. Et ceci n'est pas une supposition, mais bien un propos que l'on peut tenir avec assurance, vu désormais l'ensemble des théories produites autour de la notion de genre.
De mémoire je ne me souviens plus d'un article qui serait consacré directement à la légitimation des comportements violents en maternel. Ça doit exister. J'ai par contre en mémoire les travaux de Christine Détrez sur la représentation du corps dans les livres d'anatomie pour les jeunes et très jeunes enfants (certes, peut-être plus en maternel), et ça vient corroborer ce que j'exprimais avant, qui est congruent au le propos de Nedjma.
Marie-Lou a écrit :À l'inverse, on passe beaucoup plus facilement sur la violence des garçons (quelle soit physique et/ou verbale) et, plus encore, on l'organise en réservant des lieux permissifs à l'égard de cette violence (et là on rejoint la question de l'appropriation de l'espace par les hommes). Voir par exemple l'article Masculinité et espaces publics, l'offensive des cultures urbaines, chapitre de l'ouvrage Utopies féministes et expérimentations urbaines sorti en 2009 (dir. Sylvette Denèfle)
Si c'est l'article que tu avais déjà cité il y a quelque mois, je me souviens de l'avoir lu. Ha non, chouette, un article sur le Hip-hop ^^ ça manquait un peu de musique sur ce topic
Ouaip, je ne crois pas l'avoir encore donné cet article.
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