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#451 Le 21/10/2019, à 13:17

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

gazimel a écrit :

CARLO CAFIERO,  jeune Italien contemporain de Marx. Abrégé du «CAPITAL» de Karl Marx.


Je prends bonne note ! wink

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 21/10/2019, à 13:17)

#452 Le 22/10/2019, à 07:42

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

gazimel a écrit :

HOUELLEBECQ. Au fil des livres, un personnage très solitaire, très préoccupe par son nombril, avec quelques fulgurances, comme la description de l'aéroport de Beauvais ou le voyage vers la clinique de fin de vie en Suisse ou son père veut abréger sa vieillesse. Toujours seul en Espagne, remontant vers les Pays-Bas à la recherche d'un enchantement religieux toujours inaccessible et qui lui échappe encore dans "soumission", comme s'il espérait que la religion s'impose ou lui soit imposée. Un gamin qui fait pipi par terre et qui s'y roule dedans pour attirer l'attention ? Si tu lis le dernier, donne nous ton impression.

Je n’ai pas encore terminé mais je suis sur la fin (et toujours sur ma faim !)

Là j'ai droit à une séquence « road-trip » à la sauce frenchie au cours de laquelle – alors qu’il fuit sa dernière conquête japonaise et qu’il va d’hôtels en hôtels, types "Relais du Château – il rejoint son meilleur ami qui est éleveur et qui connaît de gros soucis dans son métier.

Son meilleur ami  est au bord de la faillite en raison de la politique des quotas laitiers imposés par Bruxelles, il est complètement déprimé (dépression qui s’ajoute à celle, structurelle, du personnage principal du roman dans lequel je vois beaucoup Houellebecq à moins qu’il se fiche de nous car il est peut-être tout à fait comblé IRL, il est riche grâce à ses droits d’auteur, il est renommé en Europe et il sort avec à son bras une femme beaucoup plus jeune que lui : je crois qu’il se fout de nous avec ses personnages dépressifs mais c’est devenu son fond de commerce, ça rapporte ! ).

Bref, j’ai droit en ce moment à un chapitre sur le désespoir agricole mais tout ça fait un peu pièce rapportée à côté des scènes de cul et de la description des ses "chattes" préférées (j'emploie ses propres termes en la matière).

Le mot "bite" revient aussi assez souvent dans ses "analyses". Elle est manifestement sur le déclin, la sienne. hmm

Et il y a toujours ce côté désabusé, vaguement cynique, et vaguement provocateur du personnage central.

En étant très dur, je dirais qu’il me ferait un peu penser à une nouvelle race d’individus en tant que modèle littéraire  : le beauf andropausé, (vaguement) intellectuel parce qu’à prétention (vaguement) métaphysique.

Non, je ne ferai pas de compte-rendu d’un livre que j’ai abordé par désœuvrement et auquel je n’ai jamais vraiment adhéré.

Et qui ne me laissera probablement rien - ou pas grand chose - quand je l’aurai terminé.

J’aime trop rendre compte des livres que j’ai aimés un minimum. Ou mieux : un maximum ! wink

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 22/10/2019, à 07:59)

#453 Le 26/10/2019, à 07:49

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

« L’empire du moindre mal » de Jean-Claude Michéa.

Pour moi, c’est une mine d’or ce bouquin, ça me change Houellebecq,  y a pas photo ! tongue

Alors oui ce bouquin est difficile à lire parce que l’auteur nous gratifie :

- de beaucoup de notes de bas de pages (bon ça ça peut encore aller même si ça commence vite à gonfler)

- mais aussi de références A, B,C etc. qui renvoient à des textes complémentaires qui se trouvent à la fin du livre (là, ça devient pénible!)

- mais aussi, à l’intérieur des références A, B, C etc des sous références a, b, c à lire à la suite de celles-ci (là, ça devient encore plus pénible! mad)

Un vrai casse-tête spinozien ! ( qui, lui, fait encore mieux avec ses propositions suivies de démonstrations elles-mêmes épaulées par ses scolies et autres corollaires ! lol)

Mais comme ces contributions additives (et finalement addictives) sont elles aussi essentielles et très intéressantes, elles valent le détour même si elles cassent le bon rythme d’une lecture normale du corpus.

On sort enrichi de la lecture (et là de la relecture en ce qui me concerne) de ce bouquin ! wink

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 26/10/2019, à 07:49)

#454 Le 28/10/2019, à 01:24

gazimel

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

#301
« L'empire du moindre mal » (Essai sur la civilisation libérale ) de Jean-Claude Michéa.
L'auteur choisit de démontrer (et de démonter ceci) : non, il n'y aurait pas d'un côté un « bon » libéralisme philosophique, politique et culturel né au moment des Lumières et de l'autre un « méchant » libéralisme économique qui se serait développé un peu plus tard, en aval de cette époque.

L'auteur affirme que les deux sont intrinsèquement liés et ce, dès l'époque des Lumières même.

Et de rappeler l'idéal « d'un doux commerce », pièce maîtresse de la philosophie des Lumières qui s'inscrivait lui-même dans le projet de pacification systématique de la société qui est la source véritable des institutions modernes.

« Si le libéralisme politique finit toujours par retrouver dans le libéralisme économique son centre de gravité naturel c'est donc bien d'abord parce que ce dernier, dans son projet comme dans ses principes, constituait déjà, depuis le commencement, la réponse politique parallèle au problème moderne.
» "

Capitalisme et idéologie. ch 3 p 367
"En particulier, sur la question clé de l’inégalité de la propriété, l’échec de la Révolution française est patent. On observe certes un renouvellement des élites au cours du XIXe siècle (processus déjà en cours pendant les siècles précédents, même si l’on manque d’outils pour comparer précisément son ampleur suivant les périodes), mais le fait est que la concentration des détentions patrimoniales resta à un niveau extrêmement élevé entre 1789 et 1914 (avec même une tendance marquée à la hausse au XIXe siècle et au début du XXe siècle, comme nous le verrons dans le prochain chapitre) et n’aura finalement été que peu affectée par les événements révolutionnaires. Cet échec relatif peut s’expliquer par la complexité et la nouveauté des enjeux, mais aussi par l’accélération du temps politique : certaines idées étaient prêtes, mais n’eurent pas le temps d’être expérimentées concrètement. Les événements dictèrent leur loi aux législateurs révolutionnaires et aux nouveaux pouvoirs, bien davantage que de paisibles savoirs accumulés dans le passé."

Empruntant des chemins différents, "que nous est il permis d’espérer" pour l'un, "que nous disent les chiffres" pour l'autre, ils arrivent au même constat.

Le constat de gazimel.
Cosette est caissière dans un supermarché et Gavroche livreur à vélo. Ils sont les grands gagnants de la révolution. Le samedi ils mettent un gilet jaune, très seyant, pour participer à une animation culturelle sur les ronds points, hauts lieux de l'urbanisme. Jean Valjean est retourné en prison pour avoir vole un œuf. Comme l'a dit fort justement le président du tribunal, qui vole un œuf vole un bœuf. Fait du bien à un vilain, il te mord la main a expliqué l'expert de la télé. Nous sommes une grande démocratie, nous avons la liberté de regarder les séries américaines ou les gentils gagnent toujours à la fin.

Dernière modification par gazimel (Le 28/10/2019, à 01:26)

Hors ligne

#455 Le 12/11/2019, à 08:26

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

La guerre allemande/ Portrait d’un peuple en guerre 1939-1945 ( Nicholas Stargardt)

Nicholas Stargardt propose une véritable radioscopie de la population allemande durant cette période en adoptant des types de focus très variés ce qui fait, à mon avis, tout l’intérêt de son livre :

- d’abord à partir des différents événements militaires marquants (par exemple tout ce qui se passe sur le front de l’Est de 41 à 45) = bon cela a déjà été fait par bien d’autres que lui avant lui et continuera sans doute de l’être après lui

- ensuite – et là les choses deviennent diablement plus intéressantes - à partir de rapports secrets du SD qui analysent de manières très fines la variété, la complexité et l’évolution ds états mentaux, moraux et physiques de la population allemande tout au long du conflit.  Par exemple certains de ces rapports s’inquiètent du comportement de femmes allemandes qui trompent leurs maris partis sur le front de l’Est, parfois avec des camarades revenus du front, parfois même en milieu rural avec des prisonniers de guerre.  Par exemple encore, d’autres de ces rapports s’inquiètent aussi du degré d’adhésion réelle de la population allemande à l’idéologie nazie et à sa propagande au fur et à mesure de l’évolution des combats qui deviennent de plus en plus terribles pour les civils.

- enfin – et c’est le plus étonnant – à partir de correspondances révélées après la guerre, correspondances intimes entretenues par exemple entre un soldat sur le front de l’Est et son épouse berlinoise. À travers ces correspondances tout est révélé tout est dit et les traces et les contraintes de la propagande s’effacent parfois. Les correspondants sont dûment identifiés au début du livre et sont issus de milieux sociaux et géographiques divers. Par exemple correspondance entre Ernst Guicking, fils de paysans hessois, soldat de métier dans l’infanterie avec Irène Reitz, fleuriste à Lauterbach, Hesse qui se marient pendant la guerre. Ou encore celle de Victor Klemperer, Juif converti au protestantisme, ancien combattant de la Première Guerre mondiale et universitaire avec sa femme Eva, ancienne pianiste de concert etc etc (au total 15 couples de personnages)

Beaucoup de choses m’ont marqué dans ce livre mais j’en retiendrai au moins trois :

- d’abord les effets matériels et humains désastreux des bombardements sur Hambourg en 43  mais aussi le fait que ce serait à partir de ce moment que serait né un premier sentiment de culpabilité chez beaucoup d’allemands commençant à se demander si cela ne correspondait pas à une punition divine pour le comportement du pays à l’égard des Juifs. Car une chose est attestée : même si c’était à des degrés divers et de mille manières, beaucoup d’allemands « savaient », forcément. Attention, ce sentiment ne sera pas forcément durable quand l’auteur décrit la haine de civils (insultes et crachats) au passage de déportés déplacés des camps dans les tout derniers moments de la guerre – au printemps 45-  alors pourtant que les américains et les russes sont  deux pas de la victoire définitive.

- ensuite le fait que, malgré la propagande nazie qui devait faire de ce peuple un peuple uni, les Allemands demeuraient en fait très provinciaux et que la coupure villes/campagnes fonctionnait à 100 % quand les allemands des campagnes considéraient leurs concitoyens des villes fuyant les villes bombardées - à partir de 43 notamment - comme des immigrés gênants dans leur propre pays. Mépris et manque de solidarité étaient alors à l’honneur malgré les consignes du Parti.

- enfin, en dehors des grandes batailles et des grands théâtres d’opérations s’échelonnant sur plusieurs mois comme Stalingrad  etc , le nombre incroyable de victimes survenu en une seule journée sur de tout petits théâtres d’opérations, dans tel ou tel petit village de Russie ou de Pologne. J’ai même eu parfois du mal à concevoir qu’on puisse exécuter plusieurs milliers d’hommes, de femmes et d’enfants en quelques heures.

Mé bon ce livre de près de 800 pages est un vrai livre d’historien avec rien de moins que 115 pages de références en notes et en sources qui le terminent !

Une dernière chose à laquelle je n’ai pu m’empêcher de me référer à chaque fois que je reprenais la lecture de ce livre : la photo de la page de couverture.  Nous sommes dans une gare, un train s’apprête à partir et un jeune soldat allemand qui va monter a un dernier geste envers la fiancée (ou l'épouse ou la compagne ou la soeur) qu'il quitte peut-être pour toujours et le profil de son visage reflète une énorme tendresse et une belle fragilité.

Belle, très belle photo.

1573543431.jpg

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 12/11/2019, à 08:30)

#456 Le 17/11/2019, à 07:40

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Je relis en ce moment "Fureur et mystère" de René Char. Et je retombe sur ceci :

René Char "Les Feullets d'Hypnos" a écrit :

Horrible journée ! J’ai assisté, distant de quelque cent mètres, à l’exécution de B. Je n’avais qu’à presser la détente du fusil-mitrailleur et il pouvait être sauvé ! Nous étions sur les hauteurs dominant Céreste, des armes à faire craquer les buissons et au moins égaux en nombre aux SS. Eux ignorant que nous étions là. Aux yeux qui imploraient partout autour de moi le signal d’ouvrir le feu, j’ai répondu non de la tête… Le soleil de juin glissait un froid polaire dans mes os.
Il est tombé comme s’il ne distinguait pas ses bourreaux et si léger, il m’a semblé, que le moindre souffle de vent eût dû le soulever de terre.
Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village ? Un village pareil à un autre ? Peut-être l’a-t-il su, lui, à cet ultime instant ?

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 17/11/2019, à 07:40)

#457 Le 01/12/2019, à 08:54

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Tentative d’évasion fiscale ( Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot)

Les auteurs auraient pu tout aussi bien intituler cet ouvrage « Petits arrangements entre amis du même bord ».

Chapitre après chapitre les auteurs démontent de manière rigoureuse et amplement documentée les mécanismes de l’évasion fiscale, parfois travestie en « optimisation fiscale ».

Est passé en revue le démarchage sans scrupules de grandes banques (comme l’HSBC Genève qui bat des records en la matière en faisant son marché dans le monde entier) qui viennent, par exemple au coeur même de l’Europe proposer leurs services à de bons clients pour l’élaboration de montages complexes permettant à ces derniers de mettre à l’abri du fisc  de grandes sommes d’argent dans les paradis fiscaux.

À la suite de grandes révélations d’employés ayant exercé en leur sein (comme celle d'Hervé Falciani) , il arrive que certaines de ces banques puissent être condamnées à d’importantes amendes.  Importantes aux yeux du contribuable moyen, mais qui sont « peanuts » par rapport à l’énormité des profits engrangés. On paye et puis après, un peu plus tard… on recommence !

Ce qui est frappant à la lecture de ce bouquin c’est d’observer le degré de complaisance et de bienveillance de Bercy à l’égard de certains contribuables fortunés ayant planqué leurs « économies » (qui ne sont pas toujours petites et correspondent même assez souvent à de petits magots) en Suisse ou ailleurs. Et qui, lorsque le secret bancaire est levé, viennent très discrètement payer leurs amendes en étant ainsi exonérés de toute procédure judiciaire et de tout déballage public qui nuirait à leur image de bonne respectabilité professionnelles.

Or il s’agit là de délinquance financière. Et l’on met des gens en prison pour bien moins que cela.

Mais les choses commencent (peut-être) à changer.

Le 16 février 2015, à Paris, s’est ouvert le procès des héritières de la couturière Nina Ricci : Arlette Ricci, sa petite- fille, et Margot Vignat, son arrière petite-fille, ainsi que son ancien mandataire de gestion, Bertrand- Charles Leary, le patron des Grands Moulins de Strasbourg, ex-administrateur de HSBC France, qui a géré l’héritage de Nina Ricci jusqu’en 2005. Il s’agirait de 19,4 millions d’euros pour Arlette Ricci et 1,8 million pour sa fille Margot qui auraient été dissimulés au fisc français avec la complicité, la compréhension et l’efficacité de HSBC France.

Lors de ce procès pour fraude fiscale, blanchiment d’argent et organisation frauduleuse de son insolvabilité, Arlette Ricci a revendiqué ses activités de psychanalyste et d’écrivain plutôt que son statut d’héritière. Sa fille Margot a fait de même en parlant de ses tournées de chants dans les bars et des leçons de musique qu’elle donne en tant que musicienne rock.

L’une et l’autre étaient dans le déni, si ce n’est le mépris, des questions financières. La Présidente de la chambre  correctionnelle instruisant le procès a rappelé que l’une avait signé des ordres de transfert d’un compte luxembourgeois vers la Suisse et l’autre n’hésitait pas à se déplacer à Gen ève pour prélever des liquidités sur son compte.

Ce procès de la dynastie familiale de la grande couturière Nina Ricci illustre la familiarité que la classe dominante entretient avec la fraude fiscale. Elle se transmet avec le patrimoine.

(…)
Arlette Ricci s’est montrée très décontractée durant le procès, « presque amusée d’être sur la liste Falciani », selon un magistrat.
(….)
Le 13 avril 2015, le Tribunal Correctionnel de Paris a condamné Arlette Ricci à 3 ans de prison, dont un ferme pour « des faits dont la gravité porte une atteinte exceptionnelle à l’ordre public et au pacte républicain. » Arlette Ricci devra s’acquitter d’une amende pénale de 1 million d’euros et régler au fisc 6,7 millions d’euros d’impôts sur le revenu et de pénalités pour les années 2007 à 2009, à quoi viendront s’ajouter 3,5 millions d’euros d’impôts sur le fortune et 200.000 € d’amendes fiscales. Ses deux maisons à Paris et en Corse sont confisquées. Arlette Ricci les avait placées dans des sociétés civiles immobilières pour organiser son insolvabilité. Sa fille a été condamnée à 8 mois de prison avec sursis.

L’avocat fiscaliste d’Arlette Ricci, Henri-Nicolas Fleurance, a été condamné à un an de prison avec sursis et 100.000 € d’amendes pour complicité d’organisation d’insolvabilité.

J’en suis en ce moment au chapitre consacré au Luxembourg et un certain Jean-Claude Juncker. C’est assez gratiné !

Jean-Claude Juncker a été coopté président de la Commission européenne le 15 juillet 2014, après avoir été, entre 2004 et 2013, le président de l’Eurogroupe qui réunit les ministres des Finances des pays membres de la zone euro. Quelle meilleure place, pour un ancien Premier ministre (1995-2013) et en même temps ministre des Finances ( 1999-2013) du paradis fiscal qu’est devenu le Luxembourg pour empêcher toute velléité de supprimer le dumping fiscal à l’intérieur de l’Europe ?

Mais ce qui ressort surtout de ce que j’ai lu jusqu’à présent c’est l’insuffisance chronique des moyens techniques et humains à mettre en œuvre pour lutter encore bien plus efficacement contre le problème.

Et ce que je pense, c'est que même si les choses semblent un peu changer en matière de répression de la fraude fiscale avec quelques peines exemplaires prononcées et rendues publiques, ce ne sont pas les plus gros poissons qui sont attrapés et ce ne sont pas eux que l’on punit. Pour des tas de raisons d'ailleurs dont une, paradoxale : c'est que, quelque part,  les états ont besoin de ces gros poissons... pour d'autres tas de raisons ! hmm

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 01/12/2019, à 08:54)

#458 Le 01/12/2019, à 10:37

CM63

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour,

Je lis "Le soleil des morts" de Bernard Clavel. L'histoire de son grand père, ou de son grand oncle, je ne sais plus, depuis la Grande Guerre jusqu'à, je suppose, nos jours. Lecture en cours.
En parallèle je "lis" en audio "Ivanhoé" de Walter Scott.

Également en cours : Biographie de la faim, de Amélie Nothomb, que j'ai trouvé dans un passe-livre. Un peu surfait je trouve mais bon, faut quand même que je lise au moins un bouquin d'elle, je serais moins ringard. L'avantage c'est que tu peux interrompre la lecture une semaine ou deux et reprendre après, t'as pas perdu grand chose. Non, je déconne, là elle est quand même assez auto-biographique, je ne sais pas si elle l'est autant dans ses autres bouquins. Et y'a quand même de l'humour, une fois, allez.
PS : je l'ai fini en fait, il me semble, je ne me souviens plus.

Dernière modification par CM63 (Le 06/12/2019, à 11:55)


Quoi? Quelque chose que je ne connais pas et qui me fait l'affront d'exister?!

Hors ligne

#459 Le 03/12/2019, à 07:32

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour,

Quant à moi je suis toujours sur la relecture de "L'empire du moindre mal", l'essai de J.C Michéa sur la civilisation libérale.

Parallèlement à ça, je suis plongé dans "Eichmann à Jérusalem" / Rapport sur la banalité du mal/ d'Annah Arendt (ouvrage qui avait suscité pas ma de polémiques à sa sortie). Je le trouve un peu brouillon ce rapport, trop foisonnant et manquant de rigueur analytique. Bon mais pas inintéressant quand même car Annah Arendt n'a peur d'épargner personne et elle essaie d'être objective sur le plan historique.

Sinon, un petit polar sans conséquences : "Le mage de l'hôtel Royal" de Naïri Nahapétian qui prend pas trop la tête, lui  ! tongue

Mais à part l'essai de J.C Michéa qui demande qu'on s'accroche et qu'on reste concentré, point de lecture qui me passionne vraiment en ce moment. hmm

Edit : j'ai vu récemment le film "Les Misérables" que j'ai trouvé épuisant mais très très fort et qui me donne envie de relire "Les Misérables" de Hugo même si le parallèle doit être relativisé, bien entendu...

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 03/12/2019, à 07:42)

#460 Le 05/12/2019, à 17:03

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Christian Bobin, hier soir à la Grande Librairie : https://www.france.tv/france-5/la-grand … bobin.html

#461 Le 06/12/2019, à 17:09

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

C'est un écrivain dont j'ai lu deux ou trois ouvrages il y a quelques années, je ne me souviens plus lesquels mais je me souviens par contre que ça m'avait ébloui.

#462 Le 06/12/2019, à 17:10

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Engels a écrit :

On commence à remarquer que les Londoniens ont dû sacrifier la meilleure part de leur qualité d’homme, pour accomplir les miracles de la civilisation dont la ville regorge, que cent forces qui sommeillaient en eux, sont restées inactives et ont été étouffées afin que seuls quelques uns puissent se développer plus largement et être multipliées en s’unissant avec celles des autres. La cohue des rues a déjà, à elle seule, quelque chose de répugnant qui révolte la nature humaine. Ces centaines de milliers de personnes, de tout état et de toutes classes, qui se pressent et se bousculent, ne sont-elles pas toutes des hommes possédant les mêmes qualités et capacités et le même intérêt dans la quête du bonheur ? Et ne doivent-elles pas, finalement, quêter ce bonheur par les mêmes moyens et les mêmes procédés ? Et pourtant, ces gens se croisent en courant, comme s’ils n’avaient rien de commun, rien à faire ensemble, et pourtant la seule convention entre eux, est l’accord tacite selon lequel chacun tient le trottoir sur sa droite, afin que les deux courants de la foule qui se croisent ne se fassent pas mutuellement obstacle ; et pourtant, il ne vient à l’esprit de personne d’accorder à autrui, ne fût-ce qu’un regard. Cette indifférence brutale, cet isolement insensible de chaque individu au sein de ses intérêts particuliers, sont d’autant plus répugnants et blessants que le nombre de ces individus confinés dans cet espace réduit est plus grand. Et même si nous savons que cet isolement de l’individu, cet égoïsme borné sont partout le principe fondamental de la société actuelle, ils ne se manifestent nulle part avec une impudence, une assurances si totales qu’ici, précisément dans la cohue de la grande ville. La désagrégation de la société en monades, dont chacune a un principe de vie particulier, et une fin particulière, cette atomisation du monde est ici poussée à l’extrême. Il en résulte aussi que la guerre sociale, la guerre de tous contre tous, est ici ouvertement déclarée.

(Engels/ 1845/ Cité par JC Michéa)

#463 Le 07/12/2019, à 11:41

papy104

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

jackpot a écrit :

C'est un écrivain dont j'ai lu deux ou trois ouvrages il y a quelques années, je ne me souviens plus lesquels mais je me souviens par contre que ça m'avait ébloui.

Un écrivain éblouissant et qui mêle la poésie à la réflexion
Pour les courageux , les "cahiers de L'Erme" lui ont consacré un numéro fabuleux

Sinon tout Sylvain TESSON en particulier :
   Un été avec Homère
   Notre Dame de Paris ,Ô Reine des douleurs


Papy


Jeune depuis très longtemps!
Ubuntu 22.04 MATE et pas vaillant en lignes de commande

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#464 Le 15/12/2019, à 09:26

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Relecture de « Rimbaud en Abyssinie » d’Alain Borer, grand connaisseur de l’homme aux semelles de vent.

Alain Borer part sur les traces de Rimbaud jusqu’à Harar où Rimbaud a longtemps vécu.

https://www.youtube.com/watch?v=HjrzFFm6aE4

Alain Borer parcourt – certes en 4x4 ! - à la manière d’un explorateur des temps modernes les contrées et les autochtones croisées par Rimbaud avec les yeux d’un poète et d’un philosophe tandis que lui reviennent en mémoire les intuitions fulgurantes de l’auteur d’ « Une saison en enfer » , mais aussi sa curiosité intellectuelle insatiable, son insatisfaction pathologique, sa bougeotte permanente, ses projets multiples mais inconstants, son désir un peu puéril de faire fortune rapidement en Afrique en travaillant d’arrache-pied pour espérer devenir enfin rentier.

Une formule de l’auteur  résume bien tout cela : « Rimbaud ne cherche pas quelque chose mais existe par le seul acte de chercher. »

Quand on s’intéresse à Rimbaud, avoir bien lu toute son œuvre poétique de sa période adolescente est déjà bien mais il ne faut pas négliger ensuite l’étude approfondie de la correspondance d’adulte qu’il a entretenue avec sa famille alors qu’il vivait en Afrique. Alors certes elle est souvent banale cette correspondance, très terre à terre, très décevante  si on y cherchait les moindres traces de poésie du poète ado génial.

Rimbaud est toujours en train de demander à sa mère des « trucs matériels » qui lui font défaut dans son  environnement  culturel et géographique désertique : par exemple, qu’elle lui envoie tel ou tel bouquin de jardinier ou de menuisier, tel traité de minéralogie ou de géologie, telle traduction en français du Coran etc.

Le bonhomme est un touche-à-tout qui a une idée par jour ! Et chaque idée semble n’avoir plus rien à voir avec l’auteur du « Bateau Ivre » : comme créer une race supérieure de mulets ou  importer des draps de Sedan, ou se lancer dans la photographie pour faire fortune etc etc … Mais chaque nouvelle idée s’épuise très vite d’elle-même car Rimbaud est déjà passé à la suivante !

En fait, si on accepte de prendre beaucoup de recul, on se rend compte que – de l’auteur des « Illuminations » au commerçant du Harar, quelque part, c’est toujours du même homme dont il s’agit : cet homme court tout le temps après d’impossibles « ailleurs », il s’ennuie très vite des choses et des gens, c’est un  éternel guerrier métaphysique jamais satisfait.

Et Alain Borer, tout en étant littéralement envoûté par ce personnage hors norme – comment ne pas l’être si la production visionnaire de cet étoile filante a pu littéralement changer votre vie ? - , Alain Borer donc produit un ouvrage de grande connaissance sur le poète spirituel ET l’aventurier matérialiste, qui, en fait, sont indissociables.

Bref : pour la deuxième fois, moi  je me régale ! smile

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 15/12/2019, à 09:32)

#465 Le 10/01/2020, à 17:53

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Revue Sciences Humaines Numéro Spécial Janvier 2020. Le pouvoir des livres. Comment la littérature peut changer notre vie.

Témoignage de Laurence Delamotte, retraitée de la fonction publique

« J’ai 12 ans, je suis en cinquième. Madame Guggenheim nous donne un devoir de français, une suite de mots ensoleillés et nous invite à lire « Noces » de Camus. Je ne connais pas ce nom. Ce sera une fulgurance. Je lis « Noces », puis « L’été ».  Je cherche qui est ce Camus. Un enfant pauvre comme moi qui souffre alors d’être vêtue de vêtements récupérés çà et là, quand d’autres dans mon collège ont déjà des sacs Hermès.

Un constat : même issu d’un milieu modeste, on peut s’en sortir. L’intelligence n’a rien à voir avec le paraître.

J’ai lu et relu Camus, je le relis encore avec la même vénération et ça fait 60 ans que ça dure.

Son amour de la vie, sa soif de justice, ses engagements politiques et sociaux, son questionnement sur la mort, sa recherche permanente de vérité, le tout saisi avec des mots simples qui résonnent en moi.

Il m’a tellement parlé de l’Algérie que je suis allée jusqu’à quitter mon pays pour m’installer dans un village perdu de Kabylie, loin du confort et de la facilité mais riche de tout ce qu’il aimait.

Ce furent les plus belles années de ma vie. Je dois à Camus la lecture d’une multitude d’écrivains : Mouloud Mammeri, Mouloud Ferraoun, Kateb Yacine, Emmanuel Roblès, Jules Roy, Isabelle Eberhardt, Yasmina Kadra, Kamel Daoud…

Je remercie son instituteur, Louis Germain. Sans lui, Camus serait peut-être devenu un très bon footballeur mais je n’aime pas le foot.

Et je remercie ma professeur qui portait toujours trois bigoudis dans les cheveux et balançait son bras en nous disant : « Pénétrons, pénétrons mes enfants en classe de latin. »

Sans son conseil de lecture l’année de mes 12 ans, ma vie aurait été différente. Oui, c’est toute ma vie qui a été influencée par ce philosophe. »

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 10/01/2020, à 17:54)

#466 Le 13/01/2020, à 08:12

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Laurent Bénégui : "Mon pire ennemi est sous mon chapeau". Vraiment excellent, désopilant, il y a longtemps que je ne me suis pas marré comme ça à la lecture d'un polar assez déjanté. C'est trop drôle ! Qu'est-ce que j'aimerais pouvoir inventer des histoires pareilles ! Je ne connaissais pas cet écrivain mais je ne vais tarder à aller découvrir d'autres de ses ouvrages.

#467 Le 24/01/2020, à 07:15

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Frédéric Schiffter.

C’est un philosophe qui se dit « sans qualités » de philosophe. Il est biarrot, prof de philo retraité qui donne de temps à autre des conférences à la médiathèque de Biarritz.

Personnage étonnant, qui se décrit comme littéralement « épuisé » de naissance, cultivant une délectation morose, hédoniste ne croyant plus en rien ou plus grand-chose mais lecteur et écrivain compulsif d’une grande culture.

Il ne voyage jamais, se déplace seulement entre son canapé, son balcon et la plage et la librairie biarrotte du "Bookstore" où il a ses habitudes.

J’ai lu de lui deux tout petits ouvrages comme le « Traité du Cafard », « Délectation morose » et là je suis sur « Journées perdues ».

Ce qui me frappe dans ses écrits c’est qu’il ne cache rien de ce qu’il est et il aime les écrivains et les penseurs qui ne se cachent pas derrière de grandes théories pour développer leurs propres systèmes.

Il est aussi adepte d’une forme d’humour assez vachard qui n’épargne rien ni personne. Mais comme il ne s’épargne d’abord pas lui-même et qu’il est d’une grande lucidité sur son propre cas – il se décrit d’ailleurs comme un philosophe « balnéaire » ! - ma foi tout tout passe...

Quelques courtes vidéos de quelques unes de ses interventions sur des sujets divers : http://www.lemondedesreligions.fr/entre … 50_111.php

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 24/01/2020, à 07:31)

#468 Le 13/02/2020, à 09:41

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

C’est étrange l’intimité qui se joue entre un lecteur et un livre et qui peut agir un peu comme à son corps défendant.

Parce que, pour beaucoup de raisons, ce lecteur ne partage pas la vision élitiste et pessimiste des choses que l’auteur instille au fil de son histoire. Et pourtant…quelque chose peut finir par fonctionner comme en « back ground »….

L’histoire d’une amitié entre hommes est-elle durablement possible ? Les idéaux et les hauts niveaux d’exigences que l’on se fixe quand on est jeunes (et que l’on arrive même à atteindre un moment) ne se corrompent-ils pas au fil du temps ? La trahison d’une amitié et des idéaux de jeunesse face à la réalité des choses et au temps qui passe sont-elles inévitables ?

Ce sont les grands thèmes de ce récit qui m’a vraiment captivé et "pris en otage" tant il est remarquablement et densément pensé et narré.

Comme ce que l’on peut éprouver à la lecture de certains écrivains japonais contemporains, on y sent toute une nostalgie des choses qui se corrompent au fil du temps, cela étant décrit avec beaucoup de patience et de subtilité.

Du moins à travers l’histoire du narrateur -Antoine – et de son déclassement familial et social progressif face à son ami -Thomas – qui, lui, ne transige pas avec ses idéaux et ses impératifs initiaux : « Tour d’ivoire »,  la revue littéraire sans concessions que les deux amis fondent au sortir de leur cycle d’études universitaire, même sans pratiquement plus d’abonnés, doit continuer d’exister sur sa ligne éditoriale initiale consacrée à ce que les deux amis considèrent comme la « vraie littérature » et les « vrais auteurs ».  Au diable toutes les compromissions avec les littératures « à la mode », les ouvrages de pacotille qui encombrent les étals des libraires aujourd’hui et destinés aux « masses » (ouvrages de développement personnel, polars industriels etc.etc...) !

Antoine, au bord du gouffre, quitté par son épouse qui le traite de minable, réduit à vivre dans un appartement minable de cité avec un jeune émigré violent et au chômage qui lui casse les oreilles à diffuser du rap toute la journée, finira par succomber au charme d’une sirène littéraire – à savoir une offre intéressante de l’éditeur Grasset – qu’il va finir par accepter en trahissant son ami Thomas qui ne lui pardonnera pas.

J’ai commencé ce livre à reculons, j’ai failli arrêter dès les premières pages parce que je n’accrochais pas (écriture trop dense pour moi, pessimisme intense ...). Puis quelque chose s’est passé, je l’ai repris en main en piochant des passages au hasard et en en délaissant des tas d’autres.

Puis, finalement, j’ai décidé de m’y consacrer dès le début avec le sentiment de découvrir une œuvre et un auteur qu’il ne fallait pas laisser passer.

C’est du sérieux, c’est du tout bon, c’est du solide, c’est du très très fort.

Il ne s’agit pas seulement de raconter une histoire humaine compliquée, là, il s’agit aussi de la restituer dans une écriture de haute tenue, extrêmement dense et fouillée, une écriture à laquelle le lecteur doit consacrer du temps et de la patience pour en retirer la substantifique moelle et en ressortir avec le sentiment de s'être grandi après avoir sacrifié d'autres heures à s'abrutir derrière un écran à surfer sur Internet pour se vider un peu plus le cerveau.

"Tour d’ivoire" de Patrice Jean  avec cette citation de Flaubert en exergue qui donne le « la » : « J’ai toujours tâché de vivre dans une tour d’ivoire ; mais une marée de merde en bat les murs, à la faire crouler. »

Edit : Patrice Jean auteur également de « La structure du mal », de « Revenir à Lisbonne », de «L’homme surnuméraire » , autant d’ouvrages pouvant constituer de nouveaux projets de lecture quand on commence à s’attacher à un auteur de ce calibre.

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 13/02/2020, à 09:43)

#469 Le 22/02/2020, à 08:39

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

C’est une question que je me suis souvent posée : en dehors de tout ce que l’on est supposé savoir déjà concernant la « haine du Juif » et ses clichés (« l’élu », l’usurier, le corrupteur etc. etc )  quelles pourraient être les racines profondes et structurelles de l’antisémitisme ?

Dans un court opus mais très dense et facile à lire, l’écrivain juif Avraham B. Yehoshua propose des réponses dans son livre « Israël, un examen moral » (un essai qui a fait débat comme l’explique  Denis Charbit dans la postface du livre qu’il intitule « Avraham B. Yehoshua, un penseur sur la corde raide ».)

Allons-y !

1) L’auteur rappelle d’abord – et c’est un constat objectif qu’il semble établir là, on ne peut qu’être d’accord avec lui sur ce plan - que l’antisémitisme a été une constante troublante au fil des siècles et des millénaires (et ce en dépit de la variété des circonstances, de la variété des Juifs et des peuples qui l’ont haï).

«  Voilà un phénomène humain d’une aussi grande diversité dans ses manifestations comme dans ses motifs et d’une incroyable longévité.  Un phénomène humain dont les origines remontent à l’Antiquité, qui persiste depuis des millénaires et témoigne d’une stabilité et d’une permanence au sein d’un monde qui ne cesse pourtant de changer.

Voilà une hostilité, sinon une haine, qui a affecté des civilisations et des peuples si différents les uns des autres, des religions parfois concurrentes et rivales entre elles, comme, par exemple, le christianisme et l’islam. »

2) L’auteur avance ensuite qu’il y a longtemps déjà, dans l’Antiquité », les principes qui régissent la haine des Juifs ont été formulés avec une clarté, une précision et une concision surprenantes et ce, bien avant l’apparition du christianisme et de l’islam et bien antérieurement à l’antisémitisme moderne, le nazisme et le conflit israélo-arabe.

L’auteur les trouve précisément dans un récit antique devenu canonique, un récit rédigé par un scribe juif pour des Juifs.  Il s’agit du récit d’Aman, fils d’Ammedatha, tiré du Livre d’Esther dans la Bible hébraïque.

Dans ce Livre d’Esther, il s’agit des paroles d’Aman, fils d’Ammedatha, figure littéraire du persécuteur créée par des Juifs bien des siècles avant le christianisme, qui fournissent une première clé pour discerner ce fondement de la haine des Juifs.

Ce récit parle d’un peuple ET d’une religion - les deux termes ne coïncident pas précise l’auteur et ce sera important pour comprendre sa thèse plus loin – d’un peuple et d’une religion donc de dispersion et de division, mais aussi de l’insertion du peuple juif dans le tissu social et national des autres peuples. Il évoque le refus des Juifs de se plier aux lois établis par les rois souverains et réclament enfin l’extermination de ce peuple.

« Alors Aman déclara au roi Xerxès : Il y a un peuple éparpillé et divisé au milieu des populations dans toutes les provinces de votre royaume. Leurs lois diffèrent de celle de tout peuple : quant aux lois du roi, ils ne les observent pas ; il n’est pas opportun que le roi les ménage. Si cela plaît au roi, qu’on ordonne par écrit de les faire périr. »

L’auteur remarque que le Livre d’Esther réserve une sacrée surprise à savoir que le nom de Dieu n’y est jamais mentionné. Dieu ne semble pas concerné par cette histoire tout entière bâtie sur une auto-analyse que les juifs se font de leur situation géographique et historique à partir de leurs conditions d’existence réelles. L’intérêt de ce texte -selon l’auteur – est de nous renseigner sur la manière dont les Juifs essayent alors de s’expliquer à eux-mêmes la haine qu’on leur vouait.

Les savants datent ce texte entre la fin du IV° et le II° siècle avant l’ère chrétienne, mais ne trouvent pas de preuve attestant de l’historicité de l’événement rapporté dans le Livre d’Esther. L’auteur lui-même ne propose pas une analyse historique et philologique de ce texte mais il essaie surtout de montrer comment ce texte a été compris, lu et étudié par des générations de Juifs qui lui ont toujours attribué une signification, une pertinence dépassant largement le cadre historique et géographique de la royauté de l’Empereur Assuréus.

3) À partir de ce texte fondateur, l’auteur dégage deux concepts qui pourraient être fondateurs de la haine du peuple juif d’abord après la doctrine sioniste : d’une part, il est éparpillé, dispersé mais vivant parmi d’autres peuples, au sein de plusieurs états. D’autre part, ce peuple est lui-même divisé ce qui soulève une difficulté supplémentaire pour tenter de l’identifier.

« De fait, en fonction du lieu où ils se trouvent, les Juifs ont pris, avec le temps, des traits physiques, des habits, des noms différents, (les Juifs changent leur nom d’origine pour des patronymes locaux) conformes aux coutumes du pays. »

Et ce n’est pas tout. 

« Les Juifs ont changé à maints égards au cours des siècles, dans leur structure comme dans leur attitude : on trouve des religieux et des laïcs, des nationalistes et des assimilé, certains vivent isolés, d’autres en communauté ; sociologiquement parlant, leurs mœurs, leurs occupations professionnelles, leurs lieux de résidence sont loin d’être restés les mêmes à travers l’Histoire ; et leur degré d’intégration au sein des sociétés où ils se sont établis a également évolué. »

4) Mais dans un chapitre suivant Avraham B. Yehoshua, souligne la faiblesse de l’explication sioniste qui, selon lui, ne suffirait pas à expliquer la cause profonde de l’antisémitisme. Pour une simple et bonne raison : c’est que le rassemblement d’une partie importante du peuple juif dans sa patrie n’a pas donné lieu à la disparition de l’antisémitisme même en dehors du conflit israélo-arabe car des positions antisémites avaient été proférées bien avant l’occupation de 1967 et antérieurement à la création de l’État d’Israël en 1948.

Alors quoi ? Il faut aller plus loin et continuer d’explorer.

 

Avraham B. Yehoshua a écrit :

Non. A la racine de la folie et du délire antisémites, on trouve quelque chose de plus fort : c’est la peur . Une peur viscérale et absurde. La peur et non la jalousie. Les Juifs eux-mêmes ont du mal à l’admettre ; ils préfèrent imputer l’antisémitisme à la jalousie, qu’elle soit liée à des motifs religieux puisqu’ils prétendent être élus de Dieu, ou à des motifs laïques, du fait de leur réussite et de leur mérite.

Mais quelle est la nature profonde de cette peur folle et absurde dont nous percevons l’écho, aujourd’hui, du côté du monde musulman ? Qu’y aurait-t-il à l’origine de cette peur ?

C’est ce que vous apprendrez vous -mêmes en vous plongeant dans ce petit essai certes très controversé mais courageux, audacieux, passionnant !

Edit : Ouvrage qui aborde dans un chapitre suivant la question épineuse du droit historique du peuple juif sur la terre d’Israël où, là encore, l’auteur déconstruit méthodiquement les thèses et les justifications habituelles sionistes en avançant l’idée ambitieuse qu’historiquement parlant, il n’y aurait jamais eu de diaspora réelle du peuple juif à travers les âges et que ce peuple aurait eu mille fois l’occasion de revenir dans "sa terre" après les périodes du Premier puis du Second Temple.

Pourquoi ne l’aurait-t-il alors pas fait ? Là encore à vous de jouer si vous faites l'effort !

Ouvrage qui se termine sur les limites du sionisme (l’auteur démontrant en quoi le sionisme n’est pas une vraie révolution car cette idéologie ne fait que promouvoir un retour au passé sans véritable perspective d’avenir. Un avenir qui reste à inventer si les Juifs acceptaient enfin de résoudre eux-mêmes la racine qui est au coeur de la peur qu’ils inspirent depuis la nuit des temps et dont l’auteur donne une clé dans le premier chapitre de cet essai. )

"Israël : un examen moral" (Avraham B. Yehoshua)

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 22/02/2020, à 09:16)

#470 Le 02/03/2020, à 10:53

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Un article très intéressant dans "Philosophie Magazine" de ce mois de mars. Un journaliste enquêteur du magazine se rend à la maison centrale d'Arles où certains détenus font de la philosophie sous la conduite de bénévoles animateurs confirmés qui y donnent des cours et organisent des échanges à partir de citations des plus grands philosophes.

C'est une expérience étonnante.

On peut se demander parfois -et même souvent - : mais à quoi sert donc la philosophie ? (le terme "servir" étant à mon avis inapproprié, mé bon...)

Et bien, à travers cet article, on a droit à des dizaines de réponses, très variées, mais très pertinentes le plus souvent, de la part des détenus eux-mêmes qui se livrent à cette expérience.

L'auteur de l'article, en sortant de cet horrible univers carcéral écrit ceci :

"Je sors avec un sentiment d'inconfort. En me promenant dans les ruelles de la vieille cité d'Arles, dorée par la lumière du crépuscule, je me dis que les personnes qui viennent de me raconter leur histoire n'ont pas arpenté ces superbes ruelles depuis quinze, vingt, vingt-cinq ans - ou ne les ont carrément jamais parcourues ! Inversement, personne ici, ou presque, ne connaît l'existence de ces extraordinaires séances de philosophie, au cours desquelles des hors-la-loi défendent la nécessité de la loi et dissertent sur l'objectivité de ma justice, en citant Aristote et Leibniz. Je n'exagérerais pas en disant que j'ai rarement entendu, au cours de ma vie, des échanges philosophiques aussi riches et rigoureux. Comment est-ce possible alors qu'aucun des détenus rencontrés n'a dépassé la classe de 3° ? Comment est-ce possible alors que les crimes qu'ils ont commis les travaillent, comme travaille certains d'entre eux la haine du "système" qui les a envoyés vivre derrière les barreaux ? "

Peut-être parce que comme le dit un moment un de ces détenus : "Il n'y a pas plus ouverts que ceux qui sont enfermés."

L'article - très long il s'étend sur environ 8 pages ! - en question s'intitule "Philosophie en prison. Les affranchis de la pensée".

#471 Le 02/03/2020, à 12:03

CM63

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Bonjour,

Je lis Salammbo de Gustave Flaubert, toujours en version audio. Flaubert dit lui-même de son œuvre "c'est plein de sang partout", il n'a pas connu les thrillers du XXième siècle!
Avec ces versions audio, j'ai l'impression d'écouter un feuilleton radiophonique des années 60, mon enfance.


Quoi? Quelque chose que je ne connais pas et qui me fait l'affront d'exister?!

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#472 Le 10/05/2020, à 07:18

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Je relis "Made in Germany: le modèle allemand au-delà des mythes"  de Guillaume Duval.

L'auteur n'essaie pas de nous rejouer l'éternel match des rivalités France-Allemagne avec l'Allemagne toujours citée en "référence et modèle" incontournable par nos experts -ce qui devient vite fatigant et contre-productif  à la longue - !

Non, il essaie d'abord de comprendre et d'expliquer ce qui fonde en amont, en fonction de nos histoires différentes, toutes nos différences.

Il démonte ensuite pas mal d'idées préconçues sur la réussite allemande récente (en démystifiant par exemple le soi-disant apport des réformes Schröder).

#473 Le 10/05/2020, à 10:42

Ayral

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

CM63 a écrit :

Bonjour,, j'ai l'impression d'écouter un feuilleton radiophonique des années 60, mon enfance.

Gamin !


Pour mettre les retours de commande entre deux balises code, les explications sont là : https://forum.ubuntu-fr.org/viewtopic.php?id=1614731
Blog d'un retraité
Site de graphisme du fiston Loïc
Ubuntu 22.04 LTS sur un Thinkpad W540

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#474 Le 20/05/2020, à 08:48

CM63

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Je lis, ou plutôt j'écoute "La vicaire des Ardennes" de Balzac, toujours en audio. Une histoire de "ton père n'est pas ton père, et ton père ne le sait pas". Wouaau, papa, quel scandale, si papa savait ça.

Dernière modification par CM63 (Le 20/05/2020, à 08:48)


Quoi? Quelque chose que je ne connais pas et qui me fait l'affront d'exister?!

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#475 Le 22/05/2020, à 16:59

Compte anonymisé

Re : Qu'est-ce que tu lis en ce moment...?

Étienne, photographe de guerre est pris en otage durant de longs mois dans un de ces pays bordéliques du Proche-Orient au bord du gouffre.

De sujet, il devient alors simple objet, simple monnaie d’échanges pour ses ravisseurs impitoyables.

Expérience de déshumanisation totale avec la peur de la mort à chaque ouverture de sa cellule par un géôlier.

Heureusement, et assez vite au début du livre, il est libéré et retrouve dans son petit village natal les siens : sa mère aimante, et ses deux amis d’enfance, Enzo et Jofranka, tous deux enfants adoptés par sa mère.

Rien n’y fait. 24 heures sur 24, Etienne revit le cauchemar de sa détention, Etienne ne retrouve plus goût à la vie. Il est en roue libre perdu dans un monde où tous ses proches ne peuvent plus l’atteindre.

C’est poignant, c’est captivant et c’est écrit avec une intensité rare, on est à fond dans l’humain.

Coup de chapeau pour l’authenticité du style !

Dès les premières pages j’ai accroché et j’ai même été assez ému en raison d’une certaine correspondance intime, toutes proportions gardées bien sûr : à savoir que quand le déconfinement est enfin intervenu, bizarrement, je n’ai eu aucune envie de « m’éclater ». Bien au contraire, durant 48 heures, je n’avais de goût à rien et c’est alors que j’ai pris conscience que, quelque part, j’avais vécu cette longue période de confinement comme un vol de ma liberté et que, probablement comme beaucoup de mes semblables, j'avais éprouvé l'impression d'avoir été pris en otage.

"Otages Intimes" de Jeanne Benameur (Éditions Actes Sud)